(Washington) Le monde a franchi jeudi le cap du million de personnes testées positives au coronavirus, un chiffre saisissant qui témoigne de la rapidité de propagation de la pandémie qui sème la mort et le malheur. Car les économies sont ravagées, comme l’illustre un autre chiffre dramatique : en une semaine, 6,6 millions d’Américains ont perdu leur emploi.

La moitié de l’humanité est à l’arrêt, soumise à des mesures de confinement parfois extrêmement strictes.

Le nombre des cas confirmés au coronavirus ne cesse de grimper. Au-delà du million jeudi soir, tandis que celui des décès dépasse désormais largement les 52 000, selon un comptage de l’AFP.

L’Europe est le continent le plus touché, mais les États-Unis sont en passe de devenir le nouvel épicentre avec un quart des cas enregistrés. Ces bilans sont très probablement bien en-dessous de la réalité, faute de capacités suffisantes de dépistage.

Aux États-Unis, promis à devenir le nouvel épicentre de la pandémie, le nombre des nouveaux morts en 24 heures a de nouveau établi un sinistre record : 1169.

Présenté par certains comme un « gros rhume » il y a encore quelques semaines, la COVID-19 s’est révélée dans de nombreux cas une maladie redoutable.

Une fois guéris, les anciens malades racontent la peur de mourir, comme Javier Lara, 29 ans, qui s’est retrouvé « en soins intensifs et sous oxygène », avant de sortir de l’hôpital le 23 mars. Aux soignants, il avait demandé : « Je vais mourir ? M’en remettre ? Ils me disaient : “nous ne le savons pas, ce virus est nouveau” ».  

Les conséquences sociales, déjà, s’annoncent désastreuses. Comme aux États-Unis où les demandes hebdomadaires d’allocations chômage ont enregistré un nouveau record, avec 6,6 millions nouvelles demandes. Près de 10 millions de nouveaux chômeurs sur les deux dernières semaines.

La compagnie aérienne britannique British Airways a annoncé qu’elle plaçait 28 000 salariés, soit 60 % de ses effectifs, en chômage partiel.

L’ampleur de la crise ne dissimule pas les tragédies individuelles : la mort d’un nouveau-né mercredi dans l’État du Connecticut a ainsi particulièrement frappé les esprits, les enfants étant jusqu’ici relativement épargnés.

Selon les projections de la Maison-Blanche, la COVID-19 devrait faire entre 100 000 et 240 000 morts aux États-Unis. La pandémie a entraîné jeudi le report d’un mois (à mi-août) de la convention du parti démocrate, qui doit désigner son candidat à la présidentielle face à Donald Trump.

Le président américain qu’il avait subi un nouveau test jeudi, négatif. C’est la deuxième fois qu’il est testé depuis le début de la crise.

« Pas de guerre sans armes »

La ville de New York concentre les inquiétudes, avec déjà plus de 1500 morts. Comme auparavant en Italie, en Espagne ou en France, les personnels médicaux demandent des équipements de protection.

« Les soldats ne vont pas à la guerre sans armes, pourquoi les infirmiers travailleraient-ils sans équipement de protection ? » Une trentaine d’infirmiers avaient organisé jeudi une rare manifestation devant un hôpital new-yorkais, pour dénoncer le manque de masques et de blouses.

Le maire de la ville Bill de Blasio a demandé à ses administrés de ne sortir qu’avec le visage couvert, anticipant une possible recommandation nationale des autorités sanitaires.

« Ca peut être une écharpe, quelque chose que vous avez fabriqué chez vous, un bandana », a-t-il expliqué lors d’un point de presse, mais cela « n’a pas besoin d’être un masque de professionnel ».

En Italie, pays le plus endeuillé par la pandémie à ce jour, le plus grand crématorium de Milan a fermé ses portes jeudi, débordé par l’afflux de corps. À Bergame, la ville la plus touchée du pays, des corps ont été transportés par camions militaires vers d’autres régions pour être incinérés.

En Iran (3160 morts), où les autorités se sont résolues fin mars à interdire tout déplacement entre les villes, le président du Parlement Ali Larijani a été déclaré positif à son tour.

Malgré des mesures de confinement, les bilans ne cessent de s’alourdir : près de 14 000 morts en Italie, 10 000 en Espagne, plus de 5900 aux États-Unis.

En France, le bilan a été porté à 5300 morts, dont près de 900 personnes décédées en maison de retraite.  

L’ampleur du drame dans ces quatre pays qui ont chacun dépassé le bilan officiel de décès communiqués pour la Chine continentale (3318) où l’épidémie s’était déclarée, suscitent des soupçons sur l’authenticité des chiffres chinois.

Pékin a menti en les sous-évaluant largement, affirme ainsi un rapport confidentiel du renseignement américain, cité par plusieurs parlementaires.

Économie ou santé

Mais c’est l’Espagne qui a de nouveau déploré jeudi les pertes les plus lourdes avec 950 décès en 24 heures, un nouveau record dans le pays, qui a aussi enregistré en mars plus de 300 000 nouveaux demandeurs d’emploi.

Le gouvernement italien, sous-pression pour lever les mesures de confinement et relancer une économie au ralenti, est face au choix « horrible » de « mettre l’économie en attente ou mettre en danger la vie de nombreuses personnes », selon l’Américain Paul Romer, Prix Nobel 2018 d’Économie.

La Commission européenne a proposé jeudi de créer un instrument pour garantir jusqu’à 100 milliards d’euros les plans nationaux de soutien à l’emploi.

Et la Banque mondiale s’est dite prête à mettre sur la table jusqu’à 160 milliards de dollars sur les 15 prochains mois pour aider les pays à répondre aux conséquences sanitaires immédiates de la pandémie et soutenir la reprise économique.

Polémique

En Russie, le président Vladimir Poutine a prolongé jusqu’à la fin du mois le principe de jours chômés imposé depuis une semaine, laissant les autorités régionales fixer les termes du confinement, notamment à Moscou, principal foyer dans le pays.

Faute de vaccin ou de traitement, l’isolement reste le moyen de lutte le plus efficace. Il impose aux hommes et aux femmes le principe de distanciation sociale et doit limiter ainsi la propagation d’un virus extrêmement contagieux.

Un vrai défi dans les pays pauvres, comme au Rwanda. Désormais dans la misère la plus totale, Regine Murengerantwari, veuve, ne peut offrir qu’un bol de porridge par jour à ses quatre enfants, d’ordinaire nourris à l’école à Kigali.

Autre polémique, des responsables politiques français ont accusé des acheteurs américains d’avoir « surenchéri » pour acheter des livraisons de masques de protection fabriqués en Chine et commandés par la France. Washington a dénoncé des informations « complètement fausses » mais l’échange montre combien il est difficile aux États et aux collectivités de s’approvisionner en équipements médicaux.  

Et après plusieurs jours de blocage, la Floride a finalement autorisé un paquebot de croisière à accoster au nord de Miami pour débarquer ses passagers dont certains sont atteints du coronavirus.

Le Zaandam errait en mer depuis des jours, rejeté par plusieurs ports d’Amérique latine.