(Goris) Forces séparatistes arméniennes du Nagorny Karabakh et armée azerbaïdjanaise poursuivaient sans relâche lundi leurs affrontements, pour la deuxième journée consécutive marquée notamment par des bombardements en zones urbaines qui font craindre de nouvelles victimes civiles.

La présidence du territoire indépendantiste a pour la première fois fait état d’un retrait « tactique » de certains secteurs du front, sans plus de précisions, tout en affirmant remporter des succès « tangibles » face à l’adversaire. Le ministère arménien de la Défense a fait état de « furieux combats en cours ».

Plus tôt dans la journée, de nouveaux « tirs de roquettes intensifs » ont visé la capitale séparatiste, Stepanakert, peuplée de 50 000 habitants.

Selon un témoin interrogé par l’AFP, beaucoup de résidants ont fait le choix de partir. De nombreuses constructions portent les stigmates de deux jours de frappes : bâtiments effondrés, éclats incrustés dans les façades, vitrines soufflées…

Comme la veille, l’Azerbaïdjan a aussi dit avoir vu des zones civiles visées par des tirs arméniens, principalement des roquettes, notamment Gandja, deuxième ville du pays à 60 km de la ligne de contact, ou encore Beylagan.

Le conseiller présidentiel azerbaïdjanais Hikmet Hajiyev a diffusé sur Twitter une vidéo présentée comme ayant été filmée sur le marché central de Gandja, dont les vitres étaient soufflées, dénonçant une attaque « dont le seul but est de faire des victimes civiles ».

PHOTO UNAL CAM/DHA VIA AP

Une femme récupère des biens dans une maison endommagée par les bombardements des forces arméniennes qui ont frappé un quartier résidentiel de la ville de Ganja, lundi.

Côté arménien comme azerbaïdjanais, les journalistes de l’AFP ont vu des habitations éventrées.   

Selon des bilans officiels, depuis la reprise du conflit le 27 septembre, 19 civils arméniens et 44 azerbaïdjanais ont été tués, dont 5 et 11 respectivement depuis dimanche.

Le bilan militaire reste très partiel, l’Azerbaïdjan n’annonçant aucune perte parmi ses soldats. Le Karabakh fait état de 219 morts. Les deux camps disent avoir tué de 2000 à 3000 soldats ennemis et se rejettent la responsabilité de l’escalade.

Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov a indiqué que le médiateur du conflit du Karabakh, composé de la France, de la Russie et des États-Unis, préparait une nouvelle déclaration et des « mesures concrètes pouvant être prises pour empêcher le sang de couler ».

« Des chiens ! »

Les séparatistes, soutenus politiquement et militairement par l’Arménie, et les Azerbaïdjanais, n’ont donné aucun signe de vouloir travailler à une trêve.

Le Comité international de la Croix-Rouge a lui condamné « les bombardements aveugles » qui ont détruit ou touché des centaines de maisons mais aussi des hôpitaux et des écoles.

À Goris, dernière ville d’Arménie avant le Karabakh, des distributions de vivres s’organisent pour les déplacés. Siroun Kotcharian, retraitée de 65 ans déplacée par le conflit, raconte avoir dû fuir les combats dès le premier jour lorsqu’une « bombe est tombée sur la maison voisine ».

Le Nagorny Karabakh, majoritairement peuplé d’Arméniens, a fait sécession de l’Azerbaïdjan à la chute de l’URSS, entraînant au début des années 90 une guerre qui a fait 30 000 morts. Le front y est quasiment gelé depuis un cessez-le-feu en 1994, malgré des heurts réguliers.

Les hostilités actuelles représentent une crise parmi les plus graves, sinon la plus grave, depuis cette date.

Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, dans un discours télévisé, a assuré dimanche que l’offensive continuerait jusqu’au retrait arménien du Karabakh, réclamant « des excuses » au premier ministre arménien Nikol Pachinian.

« On les chasse comme des chiens ! », a-t-il encore lancé.

« Retrait tactique »

Bakou revendique nombre de succès sur le terrain, notamment la prise de villes et villages. Lundi, l’armée a pour la première fois diffusé des images de Talich, localité qui aurait été prise vendredi, où l’on peut voir des soldats azerbaïdjanais patrouiller dans des rues désertes, brandissant le drapeau du pays.  

Le ministère de la Défense a ensuite affirmé que des troupes arméniennes avaient « abandonné leurs positions militaires » dans le district de Hadrout.

La présidence du Karabakh a réagi, assurant que « dans certains secteurs du front, dans un but tactique, l’armée a retiré des soldats, afin d’éviter des pertes inutiles ».

Selon la même source, les forces séparatistes enregistrent toujours des succès « tangibles » et « le jour est proche » où l’armée azerbaïdjanaise « va commencer sa retraite ».

Il s’agit de la première fois qu’un responsable arménien évoque un retrait de troupes, mais il n’en précise ni l’ampleur ni la localisation.  

Une escalade de ce conflit pourrait avoir des conséquences imprévisibles, plusieurs puissances étant en concurrence dans le Caucase : la Russie, le traditionnel arbitre régional, la Turquie, alliée à l’Azerbaïdjan, ou encore l’Iran.

Les Turcs sont déjà accusés d’aggraver le conflit en encourageant Bakou à l’offensive militaire et sont soupçonnés d’avoir déployé des mercenaires syriens pro-turcs au Karabakh.

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a exhorté lundi Ankara, membre de l’alliance, à « user de son influence pour calmer les tensions ».