(Paris) De nombreux pays ont appelé vendredi au désarmement nucléaire lors d’une visioconférence en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, sans grand espoir néanmoins d’avancées sur cet épineux dossier, tant le dialogue semble au point mort entre les États-Unis et la Russie qui détiennent 90 % des armes nucléaires de la planète.

Le constat dressé par le secrétaire général de l’ONU est alarmant : « Le désarmement nucléaire a toujours été une priorité des Nations unies », mais « 75 ans après leur création, le monde continue de vivre sous la menace d’une catastrophe nucléaire », a rappelé Antonio Guterres en ouverture de la réunion. « Malheureusement, les progrès vers une élimination totale des armes nucléaires sont au point mort et risquent d’être compromis ».

« La méfiance croissante et les tensions entre États dotés de l’arme atomique ont augmenté les risques nucléaires », a-t-il prévenu. Et « les programmes de modernisation des arsenaux nucléaires font peser la menace d’une course qualitative aux armements nucléaires ».

En outre, l’érosion de l’architecture de maîtrise des armements nucléaires, sur fond de montée des tensions internationales, ne prête guère à l’optimisme. Le Traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) signé en 1987 entre Washington et Moscou, qui avait entraîné la destruction d’environ 2700 missiles d’une portée de 500 à 5500 km, est de facto mort depuis 2019, au grand dam des Européens.

« Il est impératif que chaque État membre agisse sans retard pour remplir ses engagements en matière de désarmement et de non-prolifération », a déclaré en clôture de la réunion le président de l’Assemblée générale, Volkan Bozkir.

Depuis, le traité américano-russe New Start conclu en 2010, qui vient à expiration début 2021, est considéré comme le dernier accord nucléaire encore en vigueur, contenant les arsenaux des deux pays en dessous de leurs sommets de la Guerre froide. Or, sa prolongation reste très incertaine.

Fin de New Start ?

« Si New Start s’arrête, pour la première fois il n’y aura plus de perspective de réduction des arsenaux nucléaires », souligne Emmanuelle Maître, experte des questions de non-prolifération nucléaire, de dissuasion, et de désarmement à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).  

Or, « on ne peut pas être très optimiste sur ce traité dans la configuration actuelle, explique la chercheuse. L’administration Trump a mis beaucoup de conditions à son extension, en demandant notamment la participation de la Chine aux discussions », ce que Pékin a exclu. « Quant à la Russie, il n’est pas certain qu’elle soit aussi ouverte au dialogue et à la négociation qu’elle veut bien le dire ».

Alors que le dialogue bilatéral entre les deux plus grandes puissances nucléaires semble être dans l’impasse, les partisans du désarmement misent eux sur un important succès multilatéral remporté en 2017 : l’adoption par 122 pays, aux Nations unies, d’un traité visant à bannir l’arme atomique.  

Ce Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) a déjà été ratifié par 46 États, se rapprochant des 50 ratifications requises pour entrer en vigueur.

« Les acteurs et pays qui soutiennent le TIAN sont convaincus que le traité peut faire changer les mentalités petit à petit, sur le long terme, en stigmatisant la possession d’armes nucléaires », fait valoir Emmanuelle Maître, de la FRS.

Mais ce texte demeure considérablement affaibli par l’absence parmi les signataires des neuf puissances nucléaires mondiales-États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Inde, Pakistan, Israël et Corée du Nord.

« La seule manière d’éradiquer pour de bon le risque nucléaire est d’éliminer complètement les armes nucléaires », a insisté vendredi le secrétaire général de l’ONU, en se disant « impatient de voir entrer en vigueur le traité d’interdiction des armes nucléaires, qui reflète le désir d’un grand nombre d’États de libérer le monde de cette menace ».

A l’initiative de la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN), une cinquantaine d’anciens dirigeants de 20 pays de l’OTAN, ainsi que du Japon et de la Corée du Sud, ont publié fin septembre une lettre ouverte demandant à leurs pays respectifs de ratifier à leur tour ce traité, qui « peut mettre un terme à des décennies de paralysie en matière de désarmement ».