(Paris) Malgré un fort rebond des contaminations, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé jeudi que la pandémie de COVID-19 pouvait être gérée en Europe sans verrouiller à nouveau la société, la Banque mondiale avertissant de son côté que la crise pourrait faire basculer 100 millions de personnes dans l’extrême pauvreté.

En Europe, la préparation des autorités et les connaissances accumulées ces derniers mois devraient permettre d’éviter un verrouillage de la société dans son ensemble, ont estimé l’OMS et le Fonds de l’ONU pour l’enfance (UNICEF), qui ont également appelé les gouvernements africains à favoriser la réouverture des écoles fermées depuis près de six mois, en prenant des mesures pour éviter la propagation du virus.

« Les fermetures d’écoles sans précédent et prolongées dans le but de protéger les élèves contre la COVID-19 leur causent d’autres préjudices », ont estimé les deux agences onusiennes.

Les chiffres de nouveaux cas de contaminations en 24 heures publiés jeudi en France, en Italie, en Allemagne ou encore en Espagne sont inquiétants et montrent un rebond de la pandémie, souvent à la faveur des vacances, de fêtes et de déplacements.  

En Espagne, 7039 nouveaux cas se sont déclarés. En France, le chiffre était de 4771 nouveaux cas, une progression inédite depuis mai. En Allemagne, ce sont 1707 nouveaux cas qui ont été dépistés alors qu’en Italie, le ministère de la Santé a fait état de 845 nouveaux cas.

« Manière et manière de faire la fête »

Dans tous ces pays, les jeunes, souvent peu malades voire asymptomatiques, ont été désignés comme les principaux vecteurs de ces nouvelles contaminations.  

« Je comprends que les gens veuillent faire la fête. Mais il y a manière et manière de faire la fête », a déclaré le directeur du centre d’alertes sanitaires pour l’Espagne, Fernando Simon.  

« Tous ceux qui ont de l’influence sur la population doivent participer à la prise de conscience […] Je crois qu’il y a beaucoup d’“influenceurs” en Espagne avec une visibilité très grande qui peuvent aider à contrôler l’épidémie », a-t-il précisé.

Pour le professeur Massimo Galli, responsable du département des maladies infectieuses au prestigieux hôpital Sacco à Milan (Italie), « les voyages sont aussi une source de problèmes. Je ne veux pas avoir l’air de celui qui en a après les jeunes, mais certains épisodes m’ont frappé, par exemple celui de ces neuf jeunes rentrés (positifs, NDLR) de Croatie ».  

En Allemagne, la chancelière Angela Merkel a déclaré que « le doublement des (nouveaux) cas » observés en moyenne chaque jour « dans toute l’Allemagne ces trois dernières semaines » constitue une « évolution qui ne devrait pas se poursuivre, mais que nous devrions au contraire juguler ».  

Cette situation a conduit Berlin à déclarer pratiquement toute l’Espagne et les côtes de la Croatie — des destinations prisées des vacanciers allemands — zones à risque et à imposer tests et quarantaines au retour.

En France, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer a toutefois exclu un report généralisé de la rentrée scolaire, même si des « exceptions locales » pourront être envisagées.

Réduire la dette

La crise pourrait entraîner 100 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté à travers le monde, plus encore que précédemment estimé, a alerté de son côté jeudi le président de la Banque mondiale David Malpass. Une situation qui rend « impératif », pour les créanciers, de réduire la dette des pays pauvres, a-t-il déclaré, allant ainsi plus loin que les appels à prolonger le moratoire sur la dette des pays les plus pauvres.

L’Allemagne a annoncé, dans la nuit de jeudi à vendredi, qu’elle allait devoir de nouveau recourir à l’emprunt l’an prochain pour financer un déficit budgétaire important en raison de l’impact continu de la pandémie. L’Allemagne, traditionnellement championne de la rigueur budgétaire et qui a accumulé les excédents budgétaires ces dernières années, va donc rompre pour la deuxième année consécutive avec son orthodoxie en la matière.

Face au rebond de la pandémie, en Europe et dans bien d’autres pays, les restrictions se multiplient. L’épidémie a fait au moins 788 242 morts depuis fin décembre, selon un bilan établi jeudi par l’AFP à partir de sources officielles.

Les États-Unis, pays le plus touché au monde, ont enregistré pour jeudi 46 704 nouveaux cas (total : 5 571 102) et 1213 nouveaux décès (total : 174 178).

L’Ukraine a elle aussi enregistré 2134 nouveaux cas de coronavirus et 40 morts jeudi, un « record » selon les autorités pour qui la situation « s’est substantiellement aggravée ».

Au Maroc, de sévères mesures de restriction ont été mises en place jeudi à Casablanca et Marrakech, les capitales économique et touristique du pays. Le roi Mohamed VI a exprimé son inquiétude face à la « multiplication exceptionnelle des cas d’infection », appelant les citoyens à plus de civisme pour éviter un reconfinement du pays.

« Perspectives raisonnables »

L’Amérique latine et les Caraïbes ont franchi jeudi la barre des 250 000 morts dus à la COVID-19, tandis que la Colombie-4e pays le plus touché après le Brésil, le Mexique et le Pérou-a dépassé le seuil du demi-million de cas.

Jeudi, l’Argentine a annoncé un record de plus de 8000 contaminations en une journée.

La pandémie a fait s’envoler les rêves de millions d’adolescentes latino-américaines, privées de la fête de leurs quinze ans, une tradition de passage à l’âge adulte encore très ancrée dans la région.  Ces jeunes filles ne peuvent espérer vivre leur « quinceañera », sorte de « bal des débutantes » célébré en famille et en grande pompe à l’occasion de leur anniversaire, avant 2021.  

Alors que les recherches s’accélèrent pour trouver un vaccin, la Commission européenne a annoncé jeudi avoir réservé 225 millions de doses du potentiel vaccin contre la COVID-19 de l’Allemand CureVac. C’est le quatrième accord de ce type trouvé par l’UE avec des laboratoires.

Pour le président français Emmanuel Macron, il existe des « perspectives raisonnables » d’obtenir un vaccin « dans les prochains mois ».      

« Je le dis et c’est très important, au moment même où l’on a plusieurs vaccins qui sont en phase III, nous avons des perspectives qui sont raisonnables d’avoir un vaccin dans les prochains mois », a-t-il affirmé.