(Genève) Les États-Unis ont étrillé lundi « l’échec » de l’OMS, qualifiée par ailleurs de « marionnette de la Chine » par Donald Trump, lors de la réunion annuelle de l’organisation au cours de laquelle le monde a demandé une « évaluation » de la riposte internationale face à la pandémie.

« Je ne suis pas content de l’Organisation mondiale de la santé », a tempêté le président américain depuis la Maison-Blanche. « Ils sont une marionnette de la Chine ».

Interrogé sur l’avenir de la contribution américaine à cette organisation, dont il avait annoncé la suspension mi-avril, M. Trump est resté évasif. « Nous allons prendre une décision bientôt », a-t-il assuré. Washington était le premier bailleur de l’agence onusienne.

Celle-ci a tenu lundi sa première Assemblée mondiale de la santé (AMS) virtuelle, qui devrait finalement s’achever dans la soirée et non mardi.

Les pays membres ont également décidé de reporter les débats sur la participation de Taïwan comme observateur, réclamée par les États-Unis et une quinzaine d’autres pays. Après avoir bénéficié d’un statut d’observateur, l’île a été exclue de l’OMS en 2016 sous pression chinoise, la présidente taïwanaise refusant de reconnaître le principe de l’unité de l’île et de la Chine continentale au sein d’un même pays.

Louanges de l’OMS et de son patron

Le report des débats a été accepté lundi sans opposition des États-Unis mais peu après, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a condamné dans un communiqué l’« exclusion » de Taïwan, et dénoncé « l’absence d’indépendance » du directeur général de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus, accusé d’avoir « choisi de ne pas inviter Taïwan sous la pression de la République populaire de Chine ».

Donald Trump, qui soupçonne Pékin d’avoir caché un accident de laboratoire qui aurait été à l’origine de la pandémie, a déjà accusé l’OMS de s’être « plantée » en s’alignant sur les positions chinoises au début de l’épidémie.

S’adressant à la réunion de l’OMS, son secrétaire d’État américain à la Santé, Alex Azar, a assuré que l’« échec » de l’agence onusienne face à la pandémie de COVID-19 a coûté de « nombreuses vies », réclamant une OMS « bien plus transparente » et qui « rende davantage de comptes ».

Dans un discours diamétralement opposé, la très grande majorité des hauts dignitaires ayant pris la parole à l’occasion de ce marathon diplomatique virtuel ont chanté les louanges de l’OMS et de son patron, tout en reconnaissant la nécessité de renforcer cette agence spécialisée des Nations unies.

Alors que l’OMS « dépend à 80 % des contributions volontaires » des pays, « est-il décent d’exiger tellement d’elle et de payer de manière aussi arbitraire », a notamment lancé la présidente suisse, Simonetta Sommaruga.

Ouvrant les discussions, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a pour sa part critiqué les pays ayant « ignoré les recommandations de l’OMS », estimant que le monde payait aujourd’hui au « prix fort » les stratégies divergentes.

Appelant à un « effort multilatéral énorme » face à cette « tragédie », il a dit espérer « que la recherche d’un vaccin pourra en être le point de départ ».  

Comme en écho, le président chinois Xi Jinping a assuré qu’un éventuel vaccin chinois deviendra un « bien public mondial », promettant que son pays consacrerait par ailleurs deux milliards de dollars sur deux ans à la lutte mondiale contre la COVID-19.

Dans un message vidéo, le président français Emmanuel Macron a également affirmé que si un vaccin est découvert, il « sera un bien public mondial, auquel chacun devra pouvoir avoir accès ».

Résolution européenne

Malgré les vives critiques américaines à l’égard de l’OMS et de la Chine, les pays espèrent adopter dans les prochaines heures une résolution portée par l’Union européenne qui réclame « l’accès universel, rapide et équitable de tous les produits […] nécessaires à la riposte contre la pandémie », et souligne le rôle d’une « vaccination à grande échelle contre la COVID-19, en tant que bien public mondial ».

Le texte demande aussi de lancer « au plus tôt […] un processus d’évaluation » pour examiner la riposte sanitaire internationale et les mesures prises par l’OMS face à la pandémie.

Il appelle aussi l’OMS à « collaborer étroitement avec l’Organisation mondiale de la santé animale, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture et les pays […] en vue d’identifier la source zoonotique du virus et de déterminer par quelle voie il s’est introduit dans la population humaine, […] notamment moyennant des missions scientifiques et des missions de collaboration sur le terrain ».

Si la résolution est adoptée, « ce sera un résultat important parce que l’OMS sera le premier forum mondial à se retrouver de manière unanime sur un texte », a indiqué une source diplomatique européenne.  

« Aucun sujet n’a été évité » dans la résolution, comme « continuer à réformer l’OMS et notamment ses capacités qui se sont révélées insuffisantes pour prévenir une crise de cette ampleur », a assuré cette source européenne à l’AFP.

LTedros Adhanom Ghebreyesus a d’ores et déjà réaffirmé lundi que l’OMS avait sonné l’alarme « rapidement » et « souvent », et qu’il lancerait une enquête « indépendante » sur la réponse à la pandémie de l’agence onusienne et de ses États membres « le plus tôt possible au moment approprié ».