(Paris) Jugé « pire » que l’attaque de Pearl Harbor par le président américain Donald Trump, l’effet du coronavirus sur les économies s’est précisé jeudi, incitant de nombreux pays, à l’image de la France, à sortir du confinement alors que la pandémie a fait plus de 260 000 morts dans le monde.

Du jamais vu depuis 1945 : comme beaucoup d’autres puissances, le Royaume-Uni, qui accuse plus de 30 000 morts, va voir son activité chuter dans des proportions inouïes cette année, avec une chute du produit intérieur but de 14 % prévue jeudi par la Banque d’Angleterre.

En France, près d’un demi-million d’emplois ont été détruits dans le secteur privé depuis le début de la crise et l’activité reste en recul d’un tiers par rapport à la normale, selon l’office statistique Insee.

Aux États-Unis, pays le plus touché au monde avec plus de 73 000 morts, des dizaines de millions de personnes ont dû s’inscrire au chômage sous l’effet de cette pandémie partie de Chine fin 2019 et qui a mis à l’arrêt l’économie mondiale.

« C’est pire que Pearl Harbor », a estimé mercredi soir M. Trump en évoquant l’attaque surprise japonaise de 1941 qui avait poussé les États-Unis à entrer dans la Seconde Guerre mondiale.

« C’est pire que le World Trade Center », a-t-il ajouté, en référence aux attentats du 11 septembre 2001 qui ont fait près de 3000 morts.

Il a également renouvelé ses critiques contre la Chine, estimant que la pandémie « n’aurait jamais dû arriver ». Pékin a balayé des propos « mensongers ».

Famines en vue

Dans ce contexte, le premier ministre français, Édouard Philippe, doit préciser jeudi les modalités du déconfinement envisagé à partir du 11 mai dans la deuxième économie de l’Union européenne.

Celui-ci se déroulera de manière « progressive » et « différenciée », a-t-il prévenu. Le dirigeant doit notamment préciser les conditions de réouverture des écoles, très controversée dans ce pays où la pandémie a fait près de 26 000 morts.

Au Royaume-Uni, le confinement doit être prolongé jeudi, mais le premier ministre Boris Johnson, lui-même rescapé de la COVID-19, doit annoncer dimanche l’assouplissement de certaines restrictions.

Toutefois, « les effets les plus dévastateurs et déstabilisateurs se feront sentir dans les pays les plus pauvres », où les États ne sont pas à même de soutenir financièrement leurs populations a rappelé jeudi l’ONU, qui veut lever 4,7 milliards de dollars pour « protéger des millions de vies ».

« Si nous n’agissons pas maintenant, nous devons nous préparer à une augmentation significative des conflits, de la faim et de la pauvreté. Le spectre de multiples famines se profile », a mis en garde un haut responsable, Mark Lowcock.

Au Brésil, où le coronavirus a déjà tué plus de 8000 personnes, le taux de mortalité est particulièrement élevé chez les plus défavorisés, notamment dans la population noire. « La pandémie ne fait que creuser les inégalités historiques héritées de l’esclavage », estime Emanuelle Goes, de l’institut Fiocruz de Rio de Janeiro.

Vague de suicides ?

Aux États-Unis, l’absence de couverture santé et la peur de l’arrestation dissuadent de nombreux sans-papiers de se faire soigner. Les gens « ont peur d’aller à l’hôpital à cause des mesures antimigratoires », confie Francisco Moya, élu du quartier du Queens à New York.

En Australie, le stress et les difficultés financières générées par la pandémie pourraient acculer des milliers de personnes au suicide, soit un nombre largement supérieur aux victimes de la maladie elle-même, selon l’université de Sydney.

En Europe, où la barre des 150 000 morts a été dépassée, le déconfinement s’accélère dans plusieurs pays.

Notamment en Allemagne qui, forte de derniers chiffres d’infection « très satisfaisants », a décidé mercredi de lever la quasi-totalité des restrictions imposées depuis la mi-mars.

Exceptions notables : la fermeture des frontières et l’interdiction des grandes manifestations sportives, festives ou culturelles avec du public.

Mais la Bundesliga, interrompue il y a deux mois alors que le coronavirus mettait le sport international au repos forcé, reprendra dès la mi-mai. Ce sera le premier championnat majeur de football à redémarrer, mais à huis clos.

Si la France a tiré un trait sur la fin de sa saison, l’Angleterre, l’Espagne et l’Italie espèrent reprendre en juin.

Au Danemark, les autorités estiment également que la COVID-19 devrait à court terme disparaître sous l’effet des mesures de confinement, mais elles redoutent toujours une seconde vague de la maladie.

La Belgique a annoncé la réouverture lundi des commerces non essentiels.

« Plus de modestie »

Aux Pays-Bas les restaurants, cafés et musées rouvriront à partir du 1er juin, mais les maisons closes devront attendre septembre, a officiellement annoncé le premier ministre Mark Rutte.

Très durement touchée et elle aussi engagée dans un prudent déconfinement, l’Italie (près de 30 000 morts) va tester sérologiquement 150 000 habitants de la région de Rome pour avoir une estimation plus précise du nombre de personnes qui ont été contaminées.

« Être positif au test rapide ne veut pas dire pour autant qu’on est protégé », prévient toutefois le professeur Sergio Bernardini, un des responsables de cette campagne.

En Espagne, où la pandémie a fait plus de 25 000 morts, la vie reprend peu à peu, mais la plus grande vigilance reste de mise pour les professionnels de santé.

« Tu ne peux te fier à rien, car maintenant tout le monde est suspect. On doit se protéger, ne rien toucher, bien se laver, et cela nous maintient dans une tension constante », explique Jordi Rodriguez, ambulancier en Catalogne.

Un déconfinement « précipité » de l’Espagne serait une « erreur absolue, totale et impardonnable », a mis en garde le premier ministre Pedro Sanchez alors que le Parlement a prolongé l’état d’alerte jusqu’au 23 mai.

Pour le pape cubain du polar, Leonardo Padura, la pandémie doit « enseigner un petit peu plus de modestie » à l’homme. « L’être humain a été le vainqueur dans la lutte biologique, historique, naturelle sur la planète. Et pourtant, apparaît une bestiole microscopique qui est capable de nous battre… »