L’International Rescue Committee (IRC) prévient que la quarantaine de pays en crise où elle intervient pourraient enregistrer à terme entre 500 millions et 1 milliard de cas d’infection à la COVID-19, et plus de 3 millions de morts, si des mesures appropriées ne sont pas mises en place rapidement pour atténuer les effets de la pandémie.

L’ONG souligne du même coup que le confinement à grande échelle imposé dans de nombreux pays occidentaux ne peut être transposé sans autre considération à des populations fragilisées comme celles de l’Afghanistan ou de la Syrie sans risquer d’exacerber les problèmes économiques et sanitaires déjà existants.

Le président d’IRC, David Miliband, a dit espérer il y a quelques jours, à l’occasion de la sortie d’un nouveau rapport détaillant l’analyse de l’organisation, que le nombre de victimes potentielles évoqué agirait comme « une sonnette d’alarme ».

L’impact dévastateur et disproportionné de la pandémie ne s’est pas encore fait sentir pleinement dans les pays les plus fragiles de la planète et ceux qui sont déchirés par la guerre.

David Miliband, président d’IRC

Certains pays défavorisés avancent pour l’heure des bilans de cas et de morts très faibles qui s’expliquent en partie, selon plusieurs analystes, par l’absence de programmes de dépistage intensif.

Les chiffres avancés par IRC s’inspirent de projections effectuées par l’Imperial College de Londres de concert avec l’Organisation mondiale de la santé à la fin du mois de mars et dans lesquelles des scénarios de distanciation physique plus ou moins sévères étaient envisagés.

VARIABLES DIFFÉRENTES

L’ONG juge qu’il est nécessaire de réviser les projections à la hausse en considérant certains facteurs qui n’ont pas été pris en compte.

Les auteurs du rapport relèvent notamment que le taux de mortalité utilisé par l’Imperial College dans ses calculs reflétait celui observé en Chine alors que ce pays dispose de ressources hospitalières sensiblement plus importantes que plusieurs États où intervient l’IRC.

Au Venezuela, qui fait face à une grave crise humanitaire depuis des années, près de la moitié des médecins ont quitté le pays et 90 % des établissements de santé ont fait face à des pénuries de médicaments et de matériel médical.

La densité de population observée dans des camps de réfugiés comme ceux des Rohingya au Bangladesh suggère par ailleurs que le virus risque de s’y transmettre de manière beaucoup plus rapide qu’en Chine, note l’IRC.

L’organisation souligne qu’il faut aussi prendre en considération les problèmes de santé préexistants, notamment la malnutrition, auxquels la population de plusieurs des pays qu’elle soutient est déjà confrontée.

Le recours à des mesures de confinement généralisées risque, fait valoir le rapport, de priver nombre de personnes de leur gagne-pain et d’exacerber du même coup la pauvreté et la faim dans des États où aucun filet social suffisant n’est en place pour pallier les conséquences des restrictions de mouvement.

RESTRICTIONS FRONTALIÈRES

L’IRC s’inquiète par ailleurs de l’impact des restrictions frontalières sur l’acheminement de l’aide humanitaire et relève que plusieurs chaînes d’approvisionnement mises en place à plusieurs endroits sont déjà perturbées.

Plus de 140 pays ont limité ou interdit la venue d’étrangers, limitant la circulation du personnel requis pour assurer le maintien des programmes en place. Les restrictions relatives à l’exportation de produits médicaux contribuent aussi à créer des pénuries aux effets potentiellement dramatiques.

L’IRC relève que plus de 20 pays sont déjà frappés par des pénuries de vaccins.

« Les besoins de santé préexistants sont souvent exacerbés durant une épidémie et peuvent faire plus de victimes que l’épidémie elle-même », relève l’ONG, qui demande aux pays où elle opère de faciliter la circulation des travailleurs humanitaires et des produits de première nécessité.

Elle réclame par ailleurs que des systèmes d’assistance financière soient mis en place rapidement pour permettre aux personnes ciblées par le confinement, y compris les populations plus marginalisées, de s’en sortir.

« S’il n’y a pas d’action internationale immédiate pour faire face aux besoins et aux défis uniques auxquels les gens de ces pays sont confrontés, le résultat sera des pertes de vie massives », prévient David Miliband.