(Austin) Le cap des 100 000 tués en Europe par la pandémie de nouveau coronavirus a été franchi samedi, au moment où des manifestations contre le confinement encouragées par le président Donald Trump éclataient aux États-Unis et où un concert virtuel géant de dizaines de stars allait être mis en ligne, en soutien aux soignants.

Le décompte réalisé par l’AFP à partir de données collectées auprès des autorités nationales compétentes et de l’OMS a établi qu’au moins 157 539 personnes ont perdu la vie dans le monde, depuis l’apparition de la maladie en décembre en Chine.  

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Un patient reposant aux soins intensifs dans une clinique privée de Madrid, vendredi.

Aux États-Unis, pays le plus touché tant en nombre de morts (au moins 37 659) que de cas (au moins 716 883), des manifestations hostiles aux mesures de confinement adoptées dans certains états, encouragées dans des messages postés sur Twitter par le président Donald Trump, ont eu lieu samedi au Texas, dans le Maryland et le New Hampshire.  

Pendant que plus de la moitié de l’humanité reste à domicile afin de limiter la propagation de la COVID-19, Donald Trump a ouvertement appelé à braver les règles de confinement.

« Libérez le Minnesota ! », « Libérez le Michigan ! », « Libérez la Virginie », a-t-il tweeté. « Et sauvez votre formidable deuxième amendement. Il est assiégé ! », a-t-il ajouté, en référence au droit des Américains à porter des armes.

Ils étaient environ 400 à manifester, à pied ou depuis leur voiture, devant le Parlement de Concord, capitale l’État du New Hampshire (1,3 million d’habitants), relativement épargné par l’épidémie avec 1287 cas confirmés et 37 morts du coronavirus vendredi.

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Une femme masquée manifeste au Maryland contre les mesures de confinement.

« Les chiffres mentent », ou « Rouvrez le N. H. », disaient certaines pancartes brandies par les manifestants.  

A Austin, capitale du Texas, ils étaient environ 250, armés de pancartes dénonçant notamment « l’effondrement économique » précipité par la mise à l’arrêt de toutes les activités non « essentielles », qui a fait exploser le nombre de chômeurs et a fait perdre à beaucoup tout revenu.  

À 14 h, retransmis en direct sur le web, un concert mondial virtuel, initié par la chanteuse Lady Gaga et intitulé « One World : Together At Home » (« Un monde, ensemble chez soi »), a commencé. Il va rassembler pendant des heures des dizaines de stars, dont Taylor Swift et les Rolling Stones.   

Le président Donald Trump a par ailleurs renouvelé ses attaques contre la Chine, qu’il accuse d’avoir « dissimulé » la gravité de la pandémie et de ne pas révéler le véritable décompte de ses morts. Le président français Emmanuel Macron et le chef de la diplomatie britannique, Dominic Raab, ont eux aussi mis en doute la transparence de Pékin.

Craintes de « violences »

Avec près de 3000 morts par jour et plus de 37 600 décès au total, les États-Unis sont devenus le pays le plus durement touché par la pandémie partie fin 2019 de Wuhan, en Chine.

Les dirigeants mondiaux font face à un double défi sanitaire et économique : une récession sans précédent depuis 1929 menace, a prévenu le Fonds monétaire international (FMI).

Touchés de plein fouet en l’absence de dispositifs de protection sociale, des millions d’Américains sont contraints de se tourner vers les banques alimentaires.

« Nos employés sont à bout », décrit Dan Flowers, le responsable d’une banque alimentaire de l’Ohio. « Ils travaillent tellement dur. On aimerait bien en voir la fin. »

Dans ce contexte, le gouverneur démocrate de l’État de Washington, Jay Inslee, s’est indigné des tweets présidentiels car ils encouragent, selon lui, « des actes dangereux et illégaux ».  

« Il met des millions de personnes en danger d’attraper la COVID-19. Ses tirades déséquilibrées et ses appels à “libérer” des États pourraient aussi mener à des violences », a-t-il tweeté.

Le premier ministre canadien Justin Trudeau a par ailleurs indiqué samedi que son pays et les États-Unis avaient décidé de maintenir close pendant un mois supplémentaire leur frontière commune, fermée depuis plus de trois semaines.  

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Le premier ministre Justin Trudeau plus tôt samedi lors de sa conférence de presse journalière.

Avec plus de 190 pays et territoires touchés, la pandémie a gagné l’ensemble de la planète.

La barre des 1000 morts officiellement recensés a été franchie en Afrique, dont les trois quarts en Algérie, en Égypte, au Maroc et en Afrique du Sud.

Or il manque toujours 44 milliards de dollars pour financer la lutte immédiate contre la crise sanitaire et économique en Afrique, ont estimé la Banque mondiale et le FMI.

Au Brésil, la situation sanitaire apparaît particulièrement préoccupante dans les favelas.

« Il y a de grands risques de propagation du virus dans la favela, environ 40 à 50 % des tests qu’on fait ici sont positifs », s’alarme Tiago Vieira Koch, un directeur de clinique qui intervient à Rocinha, à Rio, la plus grande favela du Brésil.

Une semaine après les catholiques et les protestants, le monde orthodoxe vit à son tour un week-end pascal confiné, les fidèles roumains étant par exemple appelés à le célébrer depuis leur balcon.

En Europe, quelques pays se sont engagés dans la voie d’un prudent déconfinement comme l’Autriche ou le Danemark. Berlin a jugé la pandémie désormais « sous contrôle » en Allemagne, qui apparaît comme le grand État européen à avoir le mieux géré la crise (moins de 4000 morts), grâce notamment à un large recours aux tests.

Le pays compte rouvrir prochainement ses magasins, et à partir du 4 mai écoles et lycées. Il fabriquera à partir d’août quelque 50 millions de masques par semaine, selon les autorités.

Mais pour l’OMS, la pandémie est loin d’être jugulée, avec des « chiffres constants ou accrus » dans l’est de l’Europe et au Royaume-Uni, où le gouvernement a décidé de prolonger le confinement « pour au moins trois semaines ».

En Espagne, les autorités ont annoncé samedi la prolongation jusqu’au 9 mai des mesures strictes de confinement.  

Après les États-Unis, l’Italie (23 227 morts), l’Espagne (20 043), la France (19 323) et le Royaume-Uni (15 464) sont les pays les plus durement frappés. Le chiffre britannique n’inclut pas les morts en maisons de retraite, estimés à 7500.

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Une femme porte un masque devant un commerce fermé à Liverpool, en Angleterre.

Dans l’État de New York, épicentre de l’épidémie aux États-Unis, 540 personnes sont mortes au cours des dernières 24 heures, soit le bilan le moins lourd depuis 15 jours.