(Rome) Confinés comme la moitié de l’humanité, des centaines de millions de chrétiens ont célébré dimanche Pâques dans des conditions inédites, la pandémie du coronavirus n’épargnant personne, pas même les puissants comme le premier ministre britannique Boris Johnson qui s’en est sorti de son propre aveu de justesse, et a quitté l’hôpital.

« Tout aurait pu basculer » : ce sont les premiers mots de Boris Johnson dans une vidéo publiée par ses services, à sa sortie de l’hôpital où il est resté une semaine, dont trois jours en soins intensifs.

M. Johnson, 55 ans, a affirmé que le service public de santé britannique, le NHS, lui « avait sauvé la vie », alors que l’épidémie a désormais tué plus de 10 000 personnes au Royaume-Uni.

La maladie COVID-19 a fait à ce jour plus de 112 500 morts dans le monde depuis son apparition en décembre en Chine, un chiffre qui a doublé en un peu plus d’une semaine. Les États-Unis sont désormais le pays le plus touché, avec 550 000 cas recensés, le cap des 20 000 morts franchit samedi, selon l’université Johns Hopkins.

En Europe, la pandémie a tué plus de 75 000 personnes, dont 80 % en Italie, en Espagne, en France et au Royaume-Uni, selon un bilan établi dimanche matin par l’AFP à partir de sources officielles.

L’Italie a toutefois annoncé dimanche soir son bilan le plus faible en plus de trois semaines, avec 431 décès dans les dernières 24 heures (près de 20 000 morts au total). Depuis le 19 mars, le chiffre quotidien était systématiquement au-dessus des 500 morts.

Dans un monde « opprimé par la pandémie, qui met à dure épreuve notre grande famille humaine », le pape François en a appelé à « la contagion de l’espérance », au cours de sa traditionnelle bénédiction « Urbi et Orbi » prononcée cette année, virus oblige, à l’intérieur d’une basilique Saint-Pierre vide.

« Oublier les égoïsmes »

En mondovision, mais entouré d’une dizaine de servants et prélats, le chef spirituel de 1,3 milliard de catholiques, sur 2,4 milliards de chrétiens, a demandé à l’Europe de retrouver « un esprit concret de solidarité », à « avoir recours » à des solutions innovantes « et à oublier » les égoïsmes « .  

Églises désertées, cérémonies sans fidèles, services religieux sur écran… Le dimanche de Pâques, qui commémore la résurrection du Christ selon la tradition chrétienne, s’est déroulé dans des conditions inédites, avec des images hallucinantes des monuments célèbres et grandes places dépeuplés partout sur la planète.

À Jérusalem, pour la première fois en plus d’un siècle, le Saint-Sépulcre, où le Christ a été enterré selon cette tradition, a été fermé au public durant tout le week-end.  

PHOTO VINCENZO PINTO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Pour Pâques, c’est sur écran que les fidèles suivront les messes d’un pape François confiné.

Au Portugal, c’est dans une petite décapotable blanche, une statuette de la Vierge de Fatima posée sur le toit de la voiture ouvrant, qu’un prêtre a parcouru les rues de sa paroisse près de Lisbonne pour bénir les croyants. « Bien que le temple soit fermé, l’Église reste vivante », s’est-il réjoui.

À Londres, l’archevêque de Canterbury Justin Welby, chef spirituel des Anglicans, a célébré Pâques avec une vidéo enregistrée dans sa cuisine.

Accord inédit sur le pétrole

Pendant ce temps, les principaux pays producteurs de pétrole sont convenus dimanche soir de la « plus grande baisse de production de l’histoire», soit près de 10 millions de barils en moins par jour, dans l’espoir de faire remonter les prix du pétrole.

La rapidité de la propagation du coronavirus, qui a pénalisé ces dernières semaines la demande, au moment où l’offre de brut était déjà fortement excédentaire, avait surpris Riyad et Moscou, qui se mènent une guerre des prix depuis début mars.

Il s’agit d’un « très bon accord pour tous ! », a tweeté le président américain Donald Trump. Il » sauvera des centaines de milliers d’emplois dans le secteur de l’énergie aux États-Unis « .

Son pays est devenu une nouvelle ligne de front de l’épidémie, avec New York au cœur de la tourmente, qui n’en finit plus de compter ses morts-8638 dimanche pour ce seul État.  

Avec un total de 75 011 morts (pour 909 673 cas), l’Europe reste le continent le plus durement touché par la pandémie. Derrière l’Italie, l’Espagne compte 16 972 décès, avec un bilan quotidien de 619 morts dimanche, reparti à la hausse après trois jours consécutifs de baisse.

PHOTO JUAN MEDINA, REUTERS

L’Espagne a annoncé samedi une baisse pour le troisième jour d’affilée du nombre de morts quotidiens, avec 510 décès.

La France constate « une très légère baisse » du nombre de patients en réanimation pour le quatrième jour consécutif, ainsi que du nombre de personnes décédées ces dernières 24 heures à l’hôpital, avec 310 morts (contre 345 la veille) pour un total de 14 393 morts.

Panique en Turquie

La timide tendance à la baisse de la tension hospitalière dans plusieurs pays montre toutefois que le confinement commence à porter ses fruits.

Pour autant, les contacts des personnes âgées avec leur environnement en Europe vont devoir rester limités au moins jusqu’à la fin de l’année en raison de la pandémie, a averti la présidente de la Commission européenne, Ursula van der Leyen. En France, le président Emmanuel Macron, qui doit s’adresser aux Français lundi soir, envisage une prolongation du confinement au moins jusqu’au 10 mai.

En Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan a refusé dimanche la démission de son puissant ministre de l’Intérieur, Süleyman Soylu. Ce dernier est critiqué de toutes parts pour avoir pris de court des millions de Turcs vendredi soir, en annonçant l’entrée en vigueur deux heures plus tard d’une interdiction de sortir pendant le week-end dans les 30 plus grandes villes du pays.

Cette annonce au dernier moment a provoqué la ruée de milliers de Turcs paniqués dans les commerces pour y faire des provisions, au mépris des règles de distanciation sociale.

Copier 500 fois « je suis désolé »

La Chine, où l’épidémie est globalement endiguée, a annoncé dimanche 97 nouveaux » cas importés « de contamination, principalement le fait de Chinois rentrant chez eux depuis l’étranger, un niveau jamais atteint depuis début mars et la publication de ce décompte.

Partout, le confinement pèse sur les humains confinés, et certains violent l’interdiction de sortir.

En Inde, la police s’est distinguée en obligeant dix touristes étrangers qui étaient sortis dans les rues de Rishikesh, une ville au pied de l’Himalaya, à écrire 500 fois « je suis désolé » pour les sanctionner.