(Washington) Nous ne sommes qu’au début de la pandémie, des milliers de personnes sont mortes, la réaction américaine a mis en colère les Européens et la Chine fait preuve d’encore moins de transparence que d’habitude : le nouveau coronavirus est en train de redéfinir la géopolitique mondiale.

Une fois la pandémie passée, « on sait que certains gouvernements vont être ébranlés, leurs citoyens leur reprochant d’avoir mal répondu à la crise. Certaines économies vont être perturbées, d’autres vont s’effondrer », prédit Jon Alterman, du Center for Strategic and International Studies de Washington.  

Encore le facteur Trump

Donald Trump, qui avait initialement minimisé les risques de la COVID-19, a brutalement imposé mercredi une interdiction temporaire d’entrée sur le territoire à la majorité des personnes venant d’Europe, pour combattre le « virus étranger ».

PHOTO LEAH MILLIS, REUTERS

Le président Donald Trump.

Une décision qui a provoqué l’indignation des leaders européens, qui se sont plaints de ne pas avoir été consultés, ce que le président américain a reconnu.  

De quoi remettre en question le rôle attribué à Washington, depuis la Seconde Guerre mondiale, de leader du « monde libre », selon Kelly Magsamen, vice-présidente du think tank Center for American Progress.

Je pense que beaucoup de leurs partenaires et alliés se demandent si on peut compter sur les États-Unis pour mener la réponse à une crise mondiale.

Kelly Magsamen, vice-présidente du Center for American Progress.

La COVID-19 est d’abord apparue en fin d’année dernière dans la métropole chinoise de Wuhan et Pékin a d’abord essayé d’étouffer la nouvelle, notamment en emprisonnant un docteur qui avait tiré la sonnette d’alarme.

Mais au cours de la dernière semaine, le gouvernement chinois a tenté de se montrer rassurant, notamment quand le président Xi Jinping a expliqué lors d’une visite à Wuhan que son pays avait réussi à contenir la propagation.  

La Chine se sert de la COVID-19 contre les États-Unis

La Chine a également envoyé du matériel médical en Italie, deuxième pays le plus touché, et en Espagne, pour tenter d’afficher son efficacité.  

Elle s’est également servie de cette crise comme d’un moyen de pression sur les États-Unis, qui cherchent déjà à combattre l’influence chinoise à travers le monde.  

PHOTO ANDY WONG, AP

Le président Xi Jinping durant un message diffusé sur un écran géant à Wuhan.

Un média chinois a même fait état d’un possible arrêt des exportations de masques chinois, pour pousser Washington à assouplir ses sanctions contre le géant de la tech Huawei.  

Comme Moscou, Pékin a également promu des théories du complot visant à discréditer Washington, comme celle suggérant que les États-Unis avaient amené le virus à Wuhan.

Les Américains, qui ont débloqué 100 millions de dollars d’aide internationale, ont en réponse cherché à associer la Chine au virus.  

Le secrétaire d’État Mike Pompeo l’a rebaptisé « le virus de Wuhan » et le sénateur républicain Tom Cotton a promis que son pays « tiendrait pour responsables ceux qui l’ont infligé au monde ».

L'argument de la Chine : la démocratie rend faible

Michael Green, un des principaux conseillers Asie de l’ancien président George W. Bush, doute que la Chine convainque grand monde au final avec ses arguments sur « la faiblesse de la démocratie ».

Mais « cela ne veut pas dire que les États-Unis gagneront la bataille de l’information » nuance-t-il, rappelant les récentes défiances envers le leadership américain.

De manière plus générale, analyse-t-il, les réalités politiques habituelles risquent de changer. Xi Jinping, autrefois vu comme intouchable en Chine, est la cible de critiques alors que les internautes de son pays portent aux nues les médecins, tout comme les Américains de tous bords louent le travail d’Anthony Fauci, directeur de l’Institut national des maladies infectieuses.

La victoire surprise de Donald Trump en 2016, le Brexit et les succès électoraux d’autres responsables politiques populistes ont été vus comme des preuves que « les technocrates avaient échoué », rappelle Michael Green.

« Je pense qu’il est possible qu’on se dise cette fois que les populistes ont échoué et que ce sont les technocrates qui ont l’air de héros », prédit-il.