(Paris) Ruptures de stock ou délais d’approvisionnement allongés : les fabricants de masques de protection et leurs vendeurs peinent à suivre une demande qui explose en pleine psychose autour de l’épidémie de COVID-19.

Le nouveau coronavirus concerne désormais des dizaines de pays où il a contaminé quelque 80 000 personnes. Bilan : à l’heure des craintes face à une épidémie potentiellement très contagieuse, la panique règne et les fournisseurs de masques mettent les bouchées doubles.

« Il y a une forte augmentation de la demande mondiale de produits allant de 5 à 60 fois jusqu’à 100 fois le niveau normal, entraînée par les achats de panique, le stockage, la spéculation », indique à l’AFP Fadéla Chaib, une porte-parole de l’OMS.  

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Une chaîne de production de masques chez Mask Factory, une compagnie de Hong Kong, le 19 février.

Comme la production ne suit pas le rythme, une pénurie se fait sentir. « Les stocks mondiaux d’équipements de protection individuelle (ÉPI) sont déjà insuffisants pour répondre aux besoins actuels de l’OMS et de ses partenaires, et les pays qui demandent du nouveau matériel sont confrontés à une attente de 4 à 6 mois pour recevoir des ÉPI tels que des masques chirurgicaux, des gants et des blouses », ajoute Mme Chaib.

Pour ajouter aux difficultés d’approvisionnement, la Chine, épicentre de l’épidémie, est elle-même le principal producteur de masques au monde. « Environ 50 % des masques chirurgicaux sont fabriqués en Chine », rappelle la porte-parole de l’OMS. Par conséquent, « l’épidémie a perturbé leurs systèmes de production et d’approvisionnement », souligne-t-elle.

Pour subvenir aux énormes besoins chinois en masques, divers industriels se sont mis sur ce créneau, dont le taïwanais Foxconn, géant de la sous-traitance électronique qui a commencé la production de masques dans son usine de Shenzhen en Chine. Dans ce pays, les fabricants de masques ont été incités à conserver leur production pour le marché local.

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Un client magasine des masques faits de tissu à motifs, à Hong Kong le 20 février.

« Nous avons une usine de 150 personnes en Chine. Nos produits d’équipement de protection ne pouvaient plus être exportés, avec priorité au marché chinois », explique à l’AFP David Guiho, directeur marketing du groupe français Delta Plus, spécialiste des équipements pour l’industrie.

L’effort semble avoir porté : « On peut produire plus de 54 millions de masques de protection chaque jour », a affirmé l’ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye, lors d’un entretien sur BFMTV mardi.

Est-ce pour autant suffisant ? « Nous avons d’autres usines qui peuvent en fabriquer, mais cela ne suffit pas à répondre à la demande qui continue d’augmenter sur la partie Europe », commente M. Guiho. « Tous les fabricants essaient d’augmenter leur production ».

Flambée des prix

Cette demande exponentielle peut toutefois se révéler une aubaine pour les fabricants. Le prix de certains ÉPI « a considérablement augmenté », explique Mme Chaib.

La jeune pousse française R-Pur, qui développe des masques destinés à l’origine aux cyclistes, dit avoir doublé ses exportations pour la Chine. « Les personnes se tournent vers ceux qui ont encore des produits en stock », commente à l’AFP Matthieu Lecuyer, son cofondateur.

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Même à la manif : cette Irakienne posant avec son chat, ce matin, portait le masque lors d’une manifestation antigouvernementale à Basra, dans le sud de l’Irak.

En France aussi d’ailleurs, la pénurie se fait sentir et dans certaines pharmacies, des panneaux se dressent pour avertir de l’absence de masques.  

Le ministre français de la Santé Olivier Véran a indiqué mercredi avoir « décidé de déstocker 15 millions de masques anti-projections » dans les stocks constitués par le pays pour qu’ils soient distribués dans les pharmacies et les hôpitaux aux professionnels de santé et aux personnes « à risque ».

Et la demande ne touche pas que ces masques chirurgicaux, utiles pour éviter les projections et non pour se protéger soi-même d’une contamination.

Pour les masques de protection respiratoire de type FFP2, utilisés notamment dans l’industrie, les approvisionnements sont aussi sous tension. Le gouvernement français a annoncé cette semaine qu’il allait commander des millions d’exemplaires.  

« On a décliné beaucoup de demandes que l’on n’aurait pas pu fournir », explique à l’AFP Jérôme Friedrich, directeur de la filiale française du groupe américain Moldex, qui produit notamment des masques FFP2. Moldex essaie d’augmenter la capacité de production de ses usines, précise le dirigeant.  

L’OMS demande pour sa part « que les fournitures d’ÉPI soient classées par ordre de priorité pour être utilisées par les agents de santé », en première ligne de l’épidémie.