Il se voyait comme le digne héritier de Sarkozy. Celui qui pouvait remettre la droite française sur les rails après son échec à l’élection présidentielle de 2017.

Ça ne s’est pas passé comme prévu : Laurent Wauquiez a finalement donné sa démission, dimanche dernier, comme président du parti Les Républicains (LR). Son règne n’aura duré que 18 mois.

La défaite cuisante de la formation aux élections européennes du 26 mai explique en partie son départ précipité.

Le parti LR y a fait un score historiquement bas, ne récoltant que 8,8 % des suffrages en France. Il termine ainsi en quatrième position, loin derrière le Rassemblement national de Marine Le Pen (23 %), La République en marche d’Emmanuel Macron (22 %) et même les Verts de Yannick Jadot, qui montent sur la troisième marche du podium avec 13 % des voix.

Du jamais vu pour ce grand parti de droite traditionnelle, fondé par Nicolas Sarkozy en 2015, sur les cendres de deux formations historiques, l’UMP et le RPR.

Il n’en fallait pas plus pour qu’on réclame la tête de Wauquiez.

Bien que populaire auprès des adhérents, celui-ci était de plus en plus contesté parmi ses collègues et guère plus populaire auprès des électeurs français en général. Pour plusieurs membres LR, il n’était de toute évidence pas le bon général pour mener ses troupes à la victoire à la présidentielle de 2022. Certains l’avaient même fait savoir en claquant la porte de la formation.

« Il a quitté la présidence du parti LR parce que sa situation n’était plus tenable, parce qu’il était en train de se produire une hémorragie de députés, d’élus locaux et de militants. » — Thomas Guénolé, politologue et spécialiste de la droite

On peut certes lui reprocher sa personnalité clivante. Son « insincérité ». Sa gouvernance « solitaire ». Voire ses bévues et ses pieds dans les plats.

Mais son départ traduit un malaise beaucoup plus profond au sein du parti Les Républicains, qui nage en pleine crise existentielle.

Comment survivre, en effet, entre La République en marche et le Rassemblement national ?

« Asphyxié »

Grugé à droite par Le Pen pour les questions d’identité nationale et dépassé à gauche par Macron sur les questions économiques, le parti LR se trouve aujourd’hui dépossédé de ses deux principaux fonds de commerce. Résultat : la formation n’a actuellement « plus grand-chose à dire qui ne soit déjà là », résume Thomas Guénolé, ajoutant qu’il se trouve « politiquement asphyxié ».

Comme Sarkozy dans le passé, Wauquiez a bien tenté un virage à droite toute, en axant son discours sur l’immigration et la sécurité. Il espérait ainsi ramener dans le giron LR les électeurs partis vers l’extrême droite. Mais la stratégie n’a pas fonctionné. Car il a du même coup perdu toute la frange plus progressiste du parti, qui a rallié Emmanuel Macron.

Le parti LR se trouve dans une position précaire. Certains ont même évoqué sa possible disparition. Chose qui paraissait impensable il y a à peine deux ans, alors que François Fillon, ancien premier ministre de Sarkozy, se dirigeait allègrement vers la victoire à la présidentielle.

Mais les « affaires » ont eu raison du candidat et on connaît la suite : Macron le « centriste » s’est faufilé jusqu’à l’Élysée, d’où il mène depuis ses réformes ultralibérales, résolument à droite.

Le retour de Sarkozy ?

Attention, cependant, à déclarer trop rapidement la mort du parti LR. Car les élections européennes sont « particulières » et ne se « traduisent pas nécessairement » par la suite dans les élections nationales, souligne Bruno Jeanbart, de la maison d’enquête OpinionWay.

Selon le sondeur, il faudra attendre les élections municipales de mars 2020 pour avoir un diagnostic plus fiable sur l’état de santé du patient. Et rien ne dit que le parti LR ne profitera pas alors de l’occasion pour se ressaisir. Car celui-ci est encore bien implanté sur le terrain.

« Ces élections vont sans doute les favoriser », estime Bruno Jeanbart.

Reste à savoir comment le parti saura se redéfinir dans l’espace politique très étroit qui est devenu le sien. Une tâche pressante, voire un sérieux casse-tête, pour celui ou celle qui remplacera Laurent Wauquiez.

De ce côté, on ne se bouscule pas au portillon.

La favorite à la succession, l’ancienne ministre Valérie Pécresse, a carrément annoncé qu’elle quittait le parti mercredi soir, estimant que sa refondation devait se faire « de l’extérieur et non de l’intérieur ».

Gérard Larcher, vieux bonze du parti, a pour sa part suggéré une direction « collégiale » plutôt qu’un seul chef. Cela aurait l’avantage d’éviter les conflits dans ce parti réputé pour ses guerres fratricides.

Incroyable mais vrai : on parle même d’un hypothétique retour de Nicolas Sarkozy !

L’ancien président de la République demeure la personnalité préférée de nombreux militants LR et reste très présent dans les coulisses du parti. Son entourage le dit « attentif et préoccupé » devant la crise actuelle.

Pour Thomas Guénolé, il est aussi le seul « leader charismatique » capable de « réunir toutes les droites ». Bref, le seul sauveur digne de ce nom. Mais voudra-t-il retenter sa chance après avoir été battu, sans équivoque, lors de la dernière primaire de la droite en 2016 ? La question se pose.

L’élection du nouveau président LR devrait techniquement avoir lieu d’ici deux mois, en vertu des règlements internes du parti. Comme cela nous mène en plein été, il est question de déplacer le tout à l’automne.

Survie à suivre.