Le responsable de l'agence onusienne responsable de la lutte contre le sida a annoncé qu'il quitterait son poste en juin, un départ anticipé qui survient une semaine après que des experts indépendants qui se sont penchés sur le harcèlement sexuel au sein de l'ONUSIDA eurent dénoncé son « leadership défaillant ».

Le directeur général Michel Sidibe a fait cette annonce lors d'une réunion du conseil d'administration de l'ONUSIDA jeudi à Genève, a déclaré le porte-parole de l'agence, Mahesh Mahalingham. Il n'a pas élaboré.

Le mandat de M. Sidibe devait se terminer en janvier 2020.

Vendredi, un groupe d'experts a publié un rapport citant une culture d'impunité et un environnement de travail toxique à l'ONUSIDA. Il a déclaré que la situation ne pourrait être corrigée que si M. Sidibe démissionnait. Citant un « vide de responsabilité », les experts ont expliqué que les dirigeants de l'ONUSIDA n'avaient pas réussi à prévenir ou à répondre adéquatement aux allégations de harcèlement sexuel, d'intimidation et d'abus de pouvoir.

M. Sidibe, qui est originaire du Mali, a démenti avoir tenté de forcer une employée à abandonner les allégations selon lesquelles son ancien député l'avait agressée sexuellement. Et malgré le rapport cinglant, M. Sidibe maintenait vendredi qu'il était l'homme idéal pour transformer l'organisation.

Martina Brostrom, une membre du personnel de l'ONUSIDA, a rendu publiques cette année des allégations de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle. Elle affirme que Luiz Loures, autrefois directeur adjoint des programmes de l'agence onusienne, l'avait embrassée de force et empoignée dans un Bangkok hôtel en mai 2015, ce que M. Loures réfute. Il a quitté l'ONUSIDA plus tôt cette année.

Le bureau de l'Organisation mondiale de la Santé qui a enquêté sur l'affaire a conclu que les preuves étaient insuffisantes pour appuyer les affirmations de Mme Brostrom.

Malgré leurs critiques, les quatre experts ont souligné la « contribution exceptionnelle » de M. Sidibe au travail de l'ONUSIDA et l'ont qualifié de « défenseur passionné et efficace » des plus vulnérables. Leur rapport rappelle qu'il a « parlé courageusement » des risques du VIH/sida chez les adolescentes et les femmes.

Une déclaration de l'agence onusienne jeudi ne faisait aucune référence au rapport de la semaine dernière, affirmant simplement que M. Sidibe souhaitait « assurer une transition ordonnée des dirigeants à l'ONUSIDA » et qu'il démissionnerait à la fin du mois de juin.

Les dénonciations n'ont pas tardé. Paula Donovan, le codirectrice de AIDS-Free World et de sa campagne Code Blue, qui s'emploie à mettre fin à l'impunité pour les agressions sexuelles perpétrées par le personnel onusien, a déclaré que M. Sidibe « ne mérite pas de partir comme et quand il veut ».

« Un dirigeant d'une autre institution majeure qui aurait été accusé des fautes décrites dans [...] le rapport aurait été sommairement renvoyé », a-t-elle déclaré, critiquant le « manque de leadership » du secrétaire général de l'ONU, António Guterres, qui peut renvoyer M. Sidibe, et du conseil d'administration de l'ONUSIDA.

« C'est l'aboutissement de l'abus de pouvoir et d'autorité qui a marqué le mandat de Sidibe, a dit Mme Donovan. La culture de l'impunité reste intacte. La tolérance zéro n'est [...] rien de plus qu'un slogan vide. »