Les journalistes s'impatientaient. La conférence de presse de la ministre du Développement international, Marie-Claude Bibeau, avait été retardée quatre fois. Avec une heure et demie de retard, quand elle est montée sur scène, la femme politique avait les larmes aux yeux.

L'annonce qu'elle a faite l'a elle-même surprise et s'est négociée jusqu'à la toute dernière minute, a-t-elle raconté. Depuis des mois, avec l'appui d'organismes humanitaires et de développement, dont l'UNICEF, elle travaillait pour que les pays membres du G7 s'engagent à investir 1,3 milliard CAN en trois ans dans l'éducation des filles qui se trouvent en zones de conflits. Samedi, elle a obtenu des engagements, qu'elle a qualifiés d'«historiques», de 3,8 milliards CAN, soit près de trois fois la somme demandée.

C'est en partie cette «victoire», dit-elle, qui l'a émue, mais surtout le souvenir de femmes et des filles rencontrées lors de visites dans des camps de réfugiés en Irak, en Jordanie ou au Bangladesh. «Notre annonce, c'est une victoire, oui, mais pour faire face à une situation dramatique. On n'a pas de mots dans notre vocabulaire canadien pour décrire ce que certaines femmes vivent», a dit la ministre Bibeau à La Presse, quelques minutes après la conférence de presse.

La France, les États-Unis et l'Italie - les trois autres membres du G7 - ne sont cependant pas du compte. «Tous les autres partenaires ont des investissements significatifs en éducation, mais n'étaient pas prêts à prendre un engagement spécifique pour les filles en situation de crise», a noté la ministre Bibeau pour justifier les absences.

En entrevue avec La Presse après son annonce, la ministre a noté que tous les pays membres du G7, ainsi que l'Union européenne, ont cependant signé samedi matin une déclaration commune soutenant l'accès pour les filles jusqu'à 12 ans à une éducation gratuite et de qualité à travers le monde.

Accueil enthousiaste

Les organisations au coeur de l'initiative canadienne étaient elles aussi ravies du résultat des pourparlers, et ce, malgré les absents. «C'est vraiment historique. Il y a quelques jours, on ne savait même pas si l'on atteindrait le 1,3 milliard qu'on demandait. Nous n'avons jamais vu d'engagement à ce niveau pour l'éducation des filles qui vivent dans des situations de crises et de guerre», a dit Caroline Riseboro, de Plan International Canada. Selon elle, les sommes permettront de fournir une éducation à 3,9 millions d'enfants en zones hostiles sur un total de 8,6 millions qui sont dans le besoin.

«C'est un montant énorme et c'est vraiment une bonne nouvelle», a renchéri Farah Mohamed, directrice générale du Fonds Malala. Ce fonds a été mis sur pied par Malala Yousafzai, la jeune Pakistanaise qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2014 pour son combat en faveur de l'éducation des filles. «Il y a un manque à gagner de 39 milliards de dollars pour assurer l'éducation de toutes les filles dans le monde. L'annonce du G7 est un grand pas en avant», a dit Mme Mohamed.

Les femmes étaient aussi à l'ordre du jour des leaders samedi matin au Sommet du G7. Les dirigeants, rassemblés au Manoir Richelieu de La Malbaie, ont reçu les membres du conseil consultatif sur l'égalité des genres, mis sur pied par Justin Trudeau pour ce G7.

La réunion a commencé dans la confusion, alors que le président des États-Unis, Donald Trump, s'est présenté en retard à la séance, faisant son apparition alors qu'Isabelle Hudon, coprésidente du comité et ambassadrice du Canada à Paris, faisait son introduction.

Mais la principale intéressée ne s'en est pas formalisée et croit que la réunion a été un succès. «Je voulais que les sept leaders du G7 soient là et qu'ils soient engagés, et ça a été le cas. On a eu une superbe écoute», a-t-elle dit à La Presse. Le comité, que copréside avec elle la philanthrope américaine Melinda Gates, a présenté ses recommandations aux chefs d'État et de gouvernement. «On n'a pas eu d'engagements fermes, mais on ne s'y attendait pas en présentant 102 recommandations», a dit Mme Hudon.

Cette dernière n'a pas hésité à aborder la question du droit à la santé reproductive, et ce, même si Donald Trump s'est maintes fois attaqué au droit à l'avortement. «Je savais que certains sujets seraient sensibles, mais on n'a pas eu de réactions négatives», a raconté Mme Hudon. Elle dit qu'après la rencontre, le président des États-Unis est venu la féliciter pour le travail accompli.

L'ambassadrice du Canada se réjouissait samedi qu'Emmanuel Macron, qui présidera le prochain Sommet du G7, conserve le comité consultatif mis sur pied par le premier ministre Justin Trudeau. «En ramenant le comité, on va pouvoir continuer le travail et trouver les moyens financiers pour réaliser les objectifs», a-t-elle dit.

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VALEUR DES ENGAGEMENTS PRINCIPAUX

• Banque mondiale : 2 milliards

• Canada : 400 millions

• Royaume-Uni : 340 millions

• Japon : 270 millions

• Allemagne : 120 millions

• Union européenne : 115 millions

PC

Isabelle Hudon, coprésidente du conseil consultatif sur l'égalité des genres.