Un centième de 1% des familles empochent 5% du revenu national aux États-Unis, selon une analyse citée ce matin à la une du New York Times. On parle de presque 15 000 familles dont les revenus se situent à 9,5 millions ou plus par année. Une telle concentration au sommet ne s'est produite qu'à deux autres reprises au cours des 100 dernières années, en 1915 et 1916, soit à la toute fin de «l'âge dorée» (Gilded Age, du nom d'un roman de Mark Twain décrivant les excès du 19e siècle), et de nouveau à la fin des années 1920, tout juste avant le krach de la bourse.

La première âge dorée - celle des Rockefeller, Vanderbilt, Carnegie, Morgan, etc - avait entraîné un puissant mouvement populiste et mené à l'élection de Theodore Roosevelt, un réformateur républicain qui s'attaqua aux tricheurs, créa un impôt progresif sur le revenu et fit voter des lois pour encadrer l'industrie et le commerce.

Aujourd'hui, le climat a bien changé. Il n'y a pas de mouvement populiste à l'horizon et, selon l'article du Times, les plus riches des riches estiment que leurs revenus sont justifiés par leurs talents et leurs philanthropies. Tout le monde n'est évidemment pas d'accord avec cette opinion.

L'ancien président de la Réserve Federal, Paul Volcker, souligne que la bourse a fortement contribué à la création des fortunes des Bill Gates, Warren Buffet, Sanford Weill et autres milliardaires et multi-millionnaires. C'est également l'avis de l'ancien président d'American Airlines, Robert Crandall, qui, de son propre aveu, entretient aujourd'hui des «idées radicales». Selon lui, les chefs d'entreprises américains ne mèneraient pas des vies si fastes s'ils étaient nés en Ouzbekistan plutôt qu'aux États-Unis, «où ils sont les bénéficiaires d'un système qui récompense quelques personnes d'une façon extraordinaire et laisse les autres derrière».

Et d'ajouter : «La façon dont notre société égalise les revenus passe par des impôts beaucoup plus élevés qu'aujourd'hui. Il n'y a pas d'autre façon.»

(Photo AFP)