Au fil de sa chronique, Rich accuse l'establishment médiatique américain de «myopie raciale». Selon lui, journalistes et commentateurs ont sous-estimé Obama tout au long de la campagne présidentielle. Je cite un extrait de son article traduit par belette_lachinoise et yvonthivierge, deux de nos collaborateurs :

Dans les médias écrits et à la télévision, on a ressassé maintes et maintes fois les deux mêmes questions de pure forme : «Est-il "assez Noir"?» et «Est-il assez coriace?». On répondait habituellement de manière implicite par la négative à ces deux questions. Le fils à peau brune de parents de races différentes n'était pas réellement «noir» et n'attirerait pas les électeurs noirs, qui, dans une majorité écrasante, sont loyaux envers la femme du premier président «noir» des États-Unis. De plus, en tant qu'ancien professeur de droit constitutionel, M. Obama était sans contredit un intellectuel de calibre trop relevé pour être un batailleur de rues en politique, trop mauviette pour atteindre de manière décisive ses adversaires durant un débat, trop éthéré pour tisser des liens avec les «vrais» Américains. Il était un Adlai Stevenson, Michael Dukakis ou Bill Bradley à peau foncée - et non un pugiliste populiste tel que John Edwards.

Longue est la liste de présages erronés découlant de ces fausses prémisses. Au début de la primaire, on nous a sans cesse répété que la campagne d'Hillary était la mieux rodée, éprouvée et disciplinée, dotée d'une organisation invincible et d'un réseau de donateurs imbattable. Le pauvre Obama devait donc se contenter de la passion miévreuse des lycéens accrochés à l'internet qui n'avaient pas réussi à élire Howard Dean en 2004. Peu importe si Clinton perdit l'Iowa. Obama ne pourrait jamais briser les «murs coupe-feu» qui garantiraient sa nomination avant le Super Mardi. Ni la campagne de Clinton ni ceux qui, nombreux, ont avalé sa propagande n'avaient remarqué l'insurrection politique sans merci qu'Obama avait créée tout au long des caucus et qui le sert bien encore aujourd'hui.

Même quand Obama réussit à ravir la nomination à Clinton en ayant une meilleure organisation, plus d'argent et attirant plus qu'elle le vote des Noirs, on le considérait encore trop feluette pour se mesurer aux républicains. Ce prognostic a été cofidié par Karl Rove, dont l'érudition pour le Wall Street Journal et Newsweek n'a été surpassée que par les sources de rires que sont Jon Stewart et Stephen Colbert. Rove a traité Obama de «paresseux» et a prédit durant l'été qu'il avait épuisé ses sources de financement en février et qu'il aurait de «sérieux problèmes» à gagner les Latinos à sa cause. Or, Obama était aussi paresseux qu'un renard et mène John McCain parmi eux à 2 contre 1. Il le devance également parmi les électrices blanches malgré les prédictions largement répandues qu'il ne réussirait jamais à ramener au bercail les furieuses partisanes d'Hillary.