Le New York Times réclame dans cet éditorial percutant la destitution du juge fédéral Jay Bybee, l'auteur d'un des quatre mémos publiés jeudi par l'administration Obama et cautionnant les tortures pratiquées par la CIA sous l'administration Bush. À l'époque, Bybee était l'avocat du département de la Justice américain. Sa note de service de 18 pages, datée du 1er août 2002, devait servir à justifier la torture d'Abou Zoubaydah, un membre d'Al-Qaeda. En voici des extraits, tirés d'un reportage du quotidien français Libération :

«Au vu des informations que Zoubaydah posséderait et du haut niveau de menace actuel, semblable à celui qui régnait à la veille des attentats du 11 Septembre, vous désirez faire basculer les interrogatoires dans ce que vous appelez une "phase de pression accrue" [...]. Vous envisagez d'employer dix techniques pour l'encourager à divulguer les informations cruciales mentionnées ci-dessus. Ces dix techniques sont : (1) l'intimidation, (2) la "technique du mur" [qui consiste à repousser violemment le prisonnier contre un mur auquel il est adossé, ndlr], (3) la saisie au visage, (4) la gifle au visage, (5) le confinement dans un endroit exigu, (6) le "wall standing" [forcer le prisonnier à se tenir debout pendant des heures près d'un mur sans avoir le droit de s'y appuyer], (7) les positions stressantes, (8) la privation de sommeil, (9) le confinement dans un endroit exigu avec des insectes, (10) la simulation de noyade.»

Et Bybee de conclure :

«Au regard des éléments fournis, il apparaît que la procédure d'interrogatoire envisagée ne violera pas la loi d'interdiction de la torture.»

Selon le New York Times, l'auteur d'un tel document ne peut continuer à être juge, fonction que Bybee doit à George W. Bush. On ne peut évidemment pas passer sous silence le fait que toutes les informations pertinentes fournies par Zoubaydah avaient été obtenues avant le début de la «phase de pression accrue», comme on l'apprend dans cet article.

La décision de destituer un juge fédéral relève du Congrès des États-Unis. Sur Fox News, ce matin, la sénatrice démocrate du Missouri Claire McCaskill n'a pas écarté un tel scénario. En attendant, la publication des mémos secrets pourrait ouvrir la porte à d'autres révélations sur ce chapitre sombre de l'histoire américaine, comme on peut le lire dans ce reportage. N'en déplaise à Barack Obama, qui voudrait clore ce chapitre, elle pourrait également mener à des enquêtes parlementaires ou des poursuites criminelles aux États-Unis.

(Photo AP)