Je suis persuadé que les conseillers de Barack Obama aimeraient effacer de la mémoire publique les dernières minutes de la conférence de presse du président à la Maison-Blanche mercredi soir. En déclarant qu'un policier blanc de Cambridge avait agi de «manière stupide» en arrêtant l'universitaire noir de Harvard Henry Louis Gates à son domicile, il a soulevé une «tempête raciale» dont se délectent ses critiques, comme le démontre aujourd'hui la une du New York Post, qui a a accordé beaucoup moins d'importance au coup de filet spectaculaire de la veille dans le New Jersey, dont son concurrent, le Daily News, a fait ses choux gras.

Dans une entrevue à ABC News hier soir, Obama s'est dit étonné par la controverse soulevé par son «commentaire assez direct sur le fait qu'on n'a probablement pas à menotter un gars, un homme d'âge mûr qui se sert d'une canne et qui en plus est chez lui». Mais on n'est pas obligé de le croire sur parole. L'homme a l'habitude de peser ses mots, surtout quand vient le temps de parler de la question raciale. Pourquoi est-il sorti de sa réserve habituelle pour critiquer le travail d'un policier blanc au moment où sa priorité était de «vendre» sa réforme de la santé, et alors qu'il ne disposait pas, de son propre aveu, de tous les éléments du dossier? Le Boston Globe tente en vain de répondre à cette question dans cet article.

Il va sans dire que les Noirs n'ont pas réagi à l'incident de Cambridge de la même façon que les Blancs, comme l'explique le New York Times dans cet article publié aujourd'hui à la une du quotidien. On y trouve notamment le témoignage d'un Noir de Chicago qui a appelé le 911 pour signaler un cambriolage et qui a été fouillé par la police une fois que celle-ci est arrivée à son domicile. «Mais je suis celui qui vous a appelé!» a déclaré l'homme à l'agent.

N'empêche : Obama aurait pu choisir pour sa première controverse sur la question raciale un sujet illustrant plus clairement les injustices dont sont victimes les Noirs dans le système de justice américain, injustices dont Conor Friedersdorf donne quelques exemples dans ce billet.

Quoi qu'il en soit, je publie ici une entrevue radiophonique avec le policier de Cambridge, James Crowley, qui exprime sa déception à la suite des critiques d'Obama et qui refuse de s'excuser auprès de Gates, comme celui-ci le demande. Et voici une entrevue radiophonique avec Gates, qui réagit aux propos d'Obama.

P.S. : On trouve ici un compte rendu en français de l'arrestation de Gates et de ses retombées.