La participation des Frères musulmans aux «manifestations de la colère» d'aujourd'hui contre le régime du président Hosni Moubarak introduit en Égypte un élément qui n'était pas présent lors de la révolte en Tunisie : la religion. Les États-Unis doivent-ils craindre le rôle de l'organisation islamiste, première force d'opposition en Égypte, dans cette contestation qui pourrait faire tomber un de leurs plus importants alliés dans le monde arabe?

Bruce Riedel, un ancien agent de la CIA qui a collaboré à l'élaboration de la stratégie américaine au Pakistan et en Afghanistan, répond par la négative dans cet article. Il rappelle notamment que les Frères musulmans d'Égypte ont renoncé à la violence il y a plusieurs années, une position qui a d'ailleurs contribué aux dénonciations formulées à leur égard par les islamistes plus radicaux, dont les dirigeants d'Al-Qaeda. Il ajoute que l'opposant égyptien le plus en vue, Mohamed ElBaradei, a formé une alliance officieuse avec eux. Et il note qu'il ne revient pas aux États-Unis, de toute façon, à choisir les dirigeants égyptiens.

Cela dit, Riedel estime qu'Israël demeurera le problème le plus important entre les États-Unis et les Frères musulmans. Je cite un passage de son article à ce sujet :

«La confrérie a levé une armée pour combatre Israël lors de sa guerre d'indépendance en 1948. Sa filiale palestinienne a formé le noyau du Hamas, et la confrérie conserve des liens avec les dirigeants de Gaza. Les leaders de la confrérie comprennent que le traité de paix avec Israël est la pierre d'assise de la politique étrangère de l'Égypte contemporaine et sous-tend l'aide annuelle américaine de 2 milliards de dollars ainsi qu'une industrie touristique lucrative, mais ils sont très critiques à l'égard d'Israël, de ses dirigeants et de ses politiques. Leur base est fondamentalement opposée à toute coopération égyptienne avec Israël.»

P.S. : The Lede, un blogue du New York Times, permet de suivre à la minute près ce qui se passe aujourd'hui en Égypte, où le régime de Moubarak tente de réprimer la contestation par la violence politicière et la censure gouvernementale.

P.P.S : Comme le rappelle un des commentateurs de ce blogue, mon collègue de La Presse Alexandre Sirois posait la même question que l'on retrouve en tête de ce billet dans un reportage réalisé l'an dernier en Égypte.

(Photo Reuters)