«Un jour prochain, (Bernie) Sanders s'approchera d'un lutrin et annoncera qu'il met un terme à sa campagne.» On retrouve aujourd'hui cette prédiction dans un texte publié sur le site The Daily Beast concernant le sort qui guette le sénateur du Vermont après le 15 mars.

Le New York Times évoque une date d'expiration encore plus hâtive en citant un analyste réputé du Cook Political Report : «(Hillary Clinton) pourrait en réalité mettre fin à la course dans moins de deux semaines à l'occasion du Super Mardi.»

Et le Washington Post n'est guère plus encourageant pour les partisans de Bernie Sanders. «Sa voie vers l'investiture démocrate, déjà escarpée, s'est rétrécie considérablement maintenant que Clinton a retrouvé son statut de grande favorite.»

Pour comprendre le caractère péremptoire de ces opinions et analyses, revenons à la question centrale des délégués. Il faut 2 383 délégués pour remporter l'investiture démocrate. Selon l'article du Times, Clinton et Sanders ont chacun remporté 51 délégués «engagés» (pledged) après les scrutins de l'Iowa, du New Hampshire et du Nevada. Ceux-ci ne peuvent changer d'allégeance d'ici la convention démocrate.

Si l'on ajoute les super-délégués qui ont déjà exprimé une préférence, Clinton compte sur l'appui de 502 délégués contre 70 pour Sanders. Comme je l'expliquais dans ce billet, les super-délégués ne sont pas «engagés»; ils peuvent abandonner un candidat pour un autre. Mais les transfuges risquent de se faire rare après les scrutins des prochaines semaines.

Car Clinton pourrait sortir des primaires du 1er mars avec une avance durable dans la course aux délégués «engagés». Près de 900 délégués seront en jeu ce jour-là (appelé Super Mardi) dans 11 États, dont plusieurs se trouvent dans le Sud des États-Unis, où le vote afro-américian devrait fortement favoriser l'ancienne secrétaire d'État selon les sondages.

L'avance de Clinton pourrait être relativement modeste (mettons de 100 délégués engagés). Mais elle pourrait être durable, c'est-à-dire mathématiquement insurmontable, en raison de la distribution des délégués dans chaque État, qui se fait grosso modo en fonction des votes recueillis par les candidats.

Selon David Plouffe, ancien directeur de campagne de Barack Obama, Sanders aurait vraisemblablement besoin de remporter par la suite des États comme la Pennsylvanie, le New Jersey et la Californie «par plus de dix points, et peut-être même par 20 points», pour combler son retard sur Clinton.

En 2008, Clinton s'était butée à cette réalité. Elle avait en vain tenté de convaincre les super-délégués de l'appuyer malgré tout, faisant valoir qu'elle avait gagné, au total, plus de votes qu'Obama et que la candidature de ce dernier était plombée par la controverse autour de son pasteur. Peine perdue. Obama avait plus de délégués «engagés» qu'elle.

Cela dit, Clinton s'était battue jusqu'à la fin, ce que Sanders pourrait également faire, n'en déplaise au site The Daily Beast.