Tout conservateur soit-il, John Podhoretz n'est pas le plus grand partisan de Donald Trump. Mais son antipathie pour Hillary Clinton ne fait aucun doute, pas plus que celle du journal pour lequel il écrit - le New York Post. Or, voici le jugement que le chroniqueur a porté sur le premier débat présidentiel :

«Hillary Clinton était ennuyeuse et exceptionnellement bien préparée. Donald Trump était excitant mais honteusement indiscipliné. Il a commencé avec son argument le plus fort - à savoir que la classe politique incarnée par elle a échoué et qu'il est temps de considérer un négociateur pour assumer le leadership - et il s'en est bien servi pendant les 20 premières minutes.

«Puis, à cause de la vanité et de la paresse qui lui ont fait croire qu'il pouvait improviser pendant les 95 minutes les plus importantes de sa vie, il a perdu le fil de son argument, il a perdu son sang-froid et il a perdu la perspective nécessaire pour corriger ces erreurs.

«Méthodiquemen et patiemment, Hillary Clinton a pris le dessus. Son objectif était de démontrer qu'elle était rationnelle et guidée par un programme politique, le genre de personne à qui l'on pourrait faire confiance pour gérer un travail délicat avec prudence et sobriété - et qu'il n'était rien de cela.

«Et elle a réussi. À la fin des 95 minutes, Trump en a été réduit à déblatérer de façon confuse sur Rosie O'Donnell et sur le fait qu'il n'avait pas encore dit les méchantes choses au sujet d'Hillary qu'il avait en tête.»

Podhoretz n'est pas le seul conservateur à croire que Trump a perdu le premier débat présidentiel de 2016. Son jugement ne signifie pas que le candidat républicain a perdu des partisans hier soir. Mais Trump a perdu une occasion précieuse de rassurer les indécis sur son tempérament et sa préparation, interrompant sa rivale à plusieurs reprises, haussant la voix et proférant quelques absurdités (questionné sur la cybersécurité, il a notamment vanté les aptitudes informatiques de son fils de 10 ans, le décrivant pratiquement comme un hacker en herbe, plutôt que de revenir sur l'affaire des courriels de Clinton).

Reniflant à plusieurs reprises - était-il enrhumé? -, Trump a aussi donné de nouvelles lignes d'attaque à sa rivale en admettant ni plus ni moins qu'il ne payait pas d'impôt fédéral. «Cela prouve que je suis intelligent», a déclaré le milliardaire. Il a fourni une réponse semblable lorsque Clinton lui a reproché d'avoir souhaité un krach immobilier. «Ça s'appelle les affaires, soit dit en passant», a-t-il déclaré en faisant fi des millions d'Américains qui ont perdu leurs emplois ou leurs maisons.

Trump s'est également accroché à des mensonges qui l'ont fait mal paraître, que ce soit pour expliquer son refus de publier ses déclarations d'impôts, pour défendre son rôle dans le mouvement des birthers et pour nier son appui initial à la guerre en Irak ou sa déclaration selon laquelle le changement climatique est une arnaque orchestrée par les Chinois.

Clinton n'a pas fait un sans-faute, loin de là. Elle a notamment été mise sur la défensive sur la question des accords de libre-échange et sur sa déclaration des années 90 sur les «super-prédateurs». Mais elle a dominé les 75 dernières minutes du débat, démontrant une énergie qui a semblé faire défaut à Trump, même lorsque celui-ci a affirmé qu'elle n'en avait pas assez pour être présidente!

Clinton a aussi fini en force en mettant en cause le tempérament de Trump pour gérer la politique étrangère et l'arsenal nucléaire des États-Unis. Et elle a rappelé les propos misogynes de Trump, notamment à l'endroit d'Alicia Machado, une ancienne Miss Universe traitée de «Miss Piggy» et de «Miss Housekeeping» par Trump en raison de quelques kilos pris en trop après avoir remporté son titre.

La performance de Clinton lui a sans doute permis de raffermir ses appuis. Changera-t-elle l'allure de la course à la présidence? Ça reste à voir.

P.S. : Fait cocasse, Trump a nié ce matin sur Fox News avoir passé une partie du débat à renifler.