Nigel Farage, leader des pro-Brexit, ne voulait sans doute pas nuire à son candidat présidentiel préféré hier soir en le comparant à un primate. «Il avait l'air d'un grand gorille à dos argenté, rôdant autour du studio», a-t-il déclaré après le deuxième débat présidentiel. «Il a dominé Hillary Clinton; elle a passé la soirée sur les talons.»

Farage s'est bien gardé de dire que Trump avait rôdé autour d'Hillary Clinton de façon agressive. Mais force est d'admettre que son image s'appliquait au candidat présidentiel à plusieurs égards. La photo qui coiffe ce billet semble illustrer le désir d'un vieux mâle de dominer physiquement son adversaire. En la regardant, on a l'impression de voir un prédateur sur le point de sauter sur sa proie. Gros malaise qui s'est prolongé tout au long de ce débat où Trump, la mine renfrognée, a arpenté la scène comme un animal en cage.

Il y avait aussi dans la performance de Trump quelque chose qui faisait penser à la réaction d'un animal blessé et plus dangereux que jamais. Après avoir minimisé l'importance de ses commentaires machistes et vulgaires sur les femmes - «des propos de vestiaire», a-t-il dit -, le magnat de l'immobilier a tenté de sauver sa campagne en sortant toutes les attaques chères à une certaine droite, celle qui s'abreuve aujourd'hui aux «informations» du site Breitbart, dont le fondateur, Steve Bannon, est aujourd'hui le président de la campagne du candidat républicain.

Trump a non seulement ressorti les scandales sexuels passés de Bill Clinton, avant et pendant le débat, mais également toutes les affaires qui animent les adversaires les plus obsédés d'Hillary Clinton, dont l'Emailgate et Bengazi.

Il a aussi voulu démontrer la force brute d'un leader autoritaire en menaçant d'emprisonner Clinton après son élection à la présidence. Vladimir Poutine et Robert Mugabe ne s'en seraient sans doute pas formalisés, mais Trump semble avoir du mal à faire la distinction entre une démocratie et une dictature.

Cette performance agressive n'a peut-être pas permis à Trump de gagner le débat, mais elle a vraisemblablement limité les dégâts causés par la diffusion par le Washington Post de cette vidéo remontant à 2005 et dans laquelle le milliardaire se vante de pouvoir faire ce qu'il veut avec les femmes, y compris les embrasser sur la bouche et leur empoigner le sexe sans permission.

Clinton, de son côté, a joué de prudence, refusant de répondre à plusieurs des attaques de Trump ou de corriger ses nombreux mensonges, à une ou deux exceptions près. Elle a même passé outre l'occasion de revenir sur la question des impôts de Trump, qui a admis ne pas avoir payé d'impôt fédéral pendant plusieurs années après avoir déclaré des pertes de 916 millions de dollars pour l'année 1995. Même si elle a été déclarée gagnante par les téléspectateurs sondés par CNN, Clinton se serait contentée d'un match nul, sachant que la performance de son rival ne lui permettra pas de séduire les électeurs modérés et de combler son retard dans les sondages.

Mais l'ancienne Première dame et son pays sortiront diminués de cette campagne de caniveau menée par un candidat au comportement qui, de l'avis même d'un de ses supporteurs, s'apparente parfois à celui d'un primate.

P.S. : À la mi-septembre, James Fallows analysait les performances de Trump dans les débats républicains avec l'aide de Jane Goodall. «À plusieurs égards, les performances de Trump m'ont rappelé les chimpanzés mâles et leurs rituels d'accouplement», avait déclaré Goodall.