La première question du modérateur du débat, Chris Wallace, portait sur la Cour suprême. Donald Trump a réussi à la détourner vers sa propre personne, rappelant que la juge Ruth Bader Ginsburg s'était moquée de lui en le traitant notamment d'«imposteur».

«Et elle a été forcée à s'excuser. Et elle s'est excusée», a déclaré le candidat républicain à la présidence.

Malgré ce détour narcissique qui confirmait une autre critique de Ginsburg à son sujet - «il est vraiment égocentrique» -, Trump n'a pas mal fait durant les 30 premières minutes du troisième et dernier débat présidentiel. S'exprimant sur un ton posé, il a participé à un échange plutôt civil avec Hillary Clinton sur des questions importantes comme l'avortement, les armes à feu et l'immigration.

Mais cela n'a pas duré. Wallace, animateur de l'émission Fox on Sunday, est sans doute celui qui a fait le plus mal à Trump en insistant pour que celui-ci s'engage à respecter le résultat de l'élection présidentielle, comme l'ont promis plusieurs membres de son entourage, dont sa fille Ivanka et son colistier Mike Pence.

«Je verrai le moment venu», a répondu le magnat de l'immobilier après avoir dénoncé des médias «corrompus et malhonnêtes» et des listes électorales contenant des millions de noms qui ne devraient pas y être. «Je vais vous tenir en haleine.»

Comme l'ont souligné plusieurs historiens, politiciens et commentateurs, une telle déclaration n'a pas de précédent dans l'histoire américaine. Elle représente une menace au processus démocratique. Et elle risque de délégitimer une victoire de Clinton aux yeux de millions d'Américains.

Et pourquoi? Parce que l'ego de Trump ne peut accepter l'humiliation d'une défaite de plus en plus prévisible. Parce que son ego est plus important à ses yeux que l'avenir de la Cour suprême ou celui de son pays.

Trump avait besoin d'une performance dominante et spectaculaire hier soir lors du troisième et dernier débat présidentiel pour changer l'allure de la course à la Maison-Blanche. Il a réussi à mettre sa rivale sur la défensive sur la question de ses courriels, de l'Accord sur le partenariat transpacifique et de la Fondation Clinton.

Mais il s'est disqualifié aux yeux d'une bonne partie de ses concitoyens sur la question de l'intégrité du processus électoral. Après avoir qualifié sa déclaration d'«horrifiante», Clinton a d'ailleurs pris un malin plaisir à énumérer toutes les choses que Trump a déjà qualifiées de «truquées», dont les Emmy Awards qui n'ont jamais primé The Apprentice.

Déstabilisé, Trump a par la suite défendu des positions confuses ou bizarres sur la politique étrangère, vantant Bachar al-Assad et refusant d'exprimer la moindre critique à l'égard de Vladimir Poutine, accusé par les renseignements américains d'avoir donné le feu vert à une campagne de piratage informatique destinée à influencer l'élection américaine.

«Il préfère croire Poutine plutôt que les professionnels du renseignement civil et militaire qui ont fait le voeu de nous protéger», a déclaré Clinton.

À la fin, Trump n'en pouvait plus de cette femme qui venait de remporter un autre débat contre lui. Après avoir déclaré plus tôt dans la soirée que «personne n'a plus de respect pour les femmes que moi», il a interrompu Clinton en lâchant sèchement : «Such a nasty woman» (quelle femme désagréable).

Dieu sait où l'humiliation de Trump entraînera les États-Unis au cours des prochaines semaines.