En annonçant la réactivation de l'enquête du FBI sur les courriels d'Hillary Clinton à moins de deux semaines de l'élection présidentielle, le directeur de l'agence fédérale a rompu avec deux règles ou traditions que la ministre de la Justice Loretta Lynch aurait préféré le voir respecter, selon cet article du New Yorker.

Première règle : le FBI ne fait pas de commentaire sur les enquêtes en cours.

Deuxième règle : le FBI n'annonce pas, à quelques jours d'un scrutin, une action susceptible d'en influencer le résultat.

Pourquoi James Comey, un républicain nommé à ce poste par Barack Obama, a-t-il rompu avec ces pratiques? La réponse tient en bonne partie à sa décision de tourner le dos à une autre tradition. En juillet dernier, il a tenu une conférence de presse  pour annoncer qu'il ne recommanderait pas de poursuites contre Clinton pour son utilisation d'une messagerie privée alors qu'elle était secrétaire d'État. Au cours de la même conférence de presse, il a dénoncé «l'extrême négligence» de Clinton et de son entourage dans leur gestion de courriels classifiés.

C'était la première fois qu'un directeur du FBI tenait un tel langage au sujet d'une personne qu'il venait d'exonérer. Mais la conférence de presse de Comey n'a pas apaisé les républicains, qui l'ont forcé à expliquer sa décision lors d'une audition. En réponse à une question, Comey a confirmé sous serment que le FBI avait complété son enquête sur les courriels de Clinton.

Or, le patron du FBI a appris jeudi l'existence d'un ordinateur partagé par Huma Abedin, proche collaboratrice de Clinton, et le mari de cette dernière, Anthony Weiner, qui fait l'objet d'une enquête sur son sexting présumé avec une adolescente de 15 ans. Les enquêteurs du FBI ont découvert sur cet ordinateur des milliers de courriels reçus et envoyés par Abedin. Des courriels qui n'ont pas encore été examinés par les enquêteurs.

Comey faisait donc face à une décision pour le moins difficile : taire cette information et être plus tard accusé par les républicains de parjure ou de camouflage; ou rompre avec la tradition du ministère de la Justice et soulever une tempête politique majeure.

Comey a évidemment décidé de jouer cartes sur table en envoyant hier au Congrès une lettre sur la découverte des nouveaux courriels. Mais cette lettre était d'un flou tel que les républicains ont pu l'interpréter à leur guise. Le directeur du FBI a d'ailleurs semblé reconnaître ce fait plus tard dans la journée d'hier dans une lettre adressée aux employés de son agence. Il y exprimait la crainte que sa démarche soit «mal interprétée». Tu parles!

Le comble, c'est que plusieurs des courriels découverts dans l'ordinateur partagé par Weiner et Abedin sont vraisemblablement des copies de mails qui ont déjà été examinés par le FBI (le journaliste d'enquête Kurt Eichenwald a probablement publié l'article le plus éclairant sur ce sujet).

Quel impact la réactivation de l'enquête du FBI aura-t-elle vraiment sur le scrutin présidentiel? Il est probable que ce nouveau rebondissement ne changera rien aux conclusions que la plupart des électeurs ont tirées il y a déjà plusieurs mois sur les courriels de Clinton.

Mais il est clair que ce rebondissement tombe à point nommé pour les républicains, qui tenteront d'exploiter au maximum cette véritable «surprise d'octobre» pour tenter de convaincre les indécis de la corruption de Clinton.