Dans un livre publié en 1998 et intitulé Achieving Our Country, le philosophe américain Richard Rorty a prédit l'élection d'un «homme fort» par une classe ouvrière frustrée d'avoir été marginalisée trop longtemps. Je cite un passage de ce livre qui a circulé sur les réseaux sociaux avant et après l'élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis :

«L'électorat rural (nonsuburban) en viendra à la conclusion que le système les a floués et se mettra à la recherche d'un homme fort pour qui voter - quelqu'un qui leur assurera que, une fois élu, les bureaucrates arrogants, les avocats rusés, les vendeurs d'obligations surpayés et les professeurs post-modernistes ne feront plus la loi.»

Décédé en 2007, Rorty ne s'est pas arrêté à cette prédiction. Un autre passage de son livre pourrait s'avéré tout aussi prophétique :

«Une chose qui est susceptible d'arriver, c'est que les gains réalisés au cours des 40 dernières années par les Américains de couleur, et par les homosexuels, vont être anéantis. Les blagues méprisantes à l'endroit des femmes vont redevenir à la mode... Tout le ressentiment que les Américains mal éduqués éprouvent à l'endroit de leurs compatriotes diplômés qui voudraient leur dire comment se comporter trouvera un exutoire.»

Seul l'avenir pourra nous dire si cette dernière prophétie sera aussi confirmée. Mais Trump a mis en place une des conditions pour qu'elle le soit en nommant le sénateur républicain d'Alabama Jeff Sessions au poste de ministre de la Justice. Rien dans le passé de Sessions n'indique qu'il défendra avec vigueur la loi sur les droits civiques issus de la lutte de Martin Luther King ou le Voting Rights Act (VRA) qui interdit les discriminations raciales dans le vote. Il a qualifié le VRA de loi «importune» et dénoncé les groupes qui voudraient «nous enfoncer les droits civiques dans la gorge».

Opposé à toute légalisation du statut des immigrés clandestins, Sessions a également dénoncé le refus du ministère de la Justice de défendre la loi fédérale interdisant le mariage gai.