«Des experts en cybersécurité [...] nous ont donné des informations très troublantes sur la possibilité de failles en matière de sécurité dans les résultats à travers le pays.»

David Cobb, l'homme qui s'est exprimé ainsi, est l'ancien directeur de campagne de l'ex-candidate à la Maison-Blanche Jill Stein, qui récolte des millions de dollars ces jours-ci pour obtenir un nouveau dépouillement des voix présidentielles dans trois États - Wisconsin, Michigan et Pennsylvanie, remportés de justesse par Donald Trump.

La question qui s'impose est la suivante : pourquoi ces experts en cybersécurité n'ont-ils pas réussi à convaincre les membres de l'entourage d'Hillary Clinton de la crédibilité de ces informations «très troublantes»? Après tout, ceux-ci considèrent que la démarche de Stein est une perte de temps et que les démocrates devraient plutôt envoyer leur argent à Foster Campbell, candidat démocrate engagé dans un deuxième tour en Louisiane pour un siège au Sénat américain.

Stein a offert une réponse à la question ci-dessus lors d'une interview à RT, sa chaîne de télévision préférée : le refus de Clinton et de son entourage d'appuyer sa démarche est une autre preuve de la corruption du Parti démocrate. «On devrait s'attendre à ce que la candidate démocrate, qui a le plus à gagner dans cette affaire, serait plus intéressée», a-t-elle dit lors d'une entrevue exclusive à la chaîne financée par le Kremlin.

Avant d'aller plus loin, rappelons que Cobb n'en est pas à sa première démarche du genre. En 2004, après avoir brigué la Maison-Blanche comme candidat du Parti vert, il avait lui-même obtenu un deuxième dépouillement des voix présidentielles en Ohio, où il avait invoqué «de nombreuses informations indiquant des irrégularités». Ce deuxième dépouillement avait eu comme résultat de donner moins de 300 voix de plus à John Kerry, un nombre largement insuffisant pour ravir à George W. Bush sa victoire dans cet État crucial.

La démarche actuelle de Stein et Cobb fait suite à la publication d'un bref article sur le site du magazine New York faisant état des conclusions de «chercheurs universitaires» selon lesquelles Clinton a obtenu au Wisconsin 7% de voix de moins dans les comtés utilisant le vote électronique par rapport aux comtés utilisant des lecteurs optiques ou le bulletin de vote papier traditionnel. «Selon cette analyse statistique, Clinton a peut-être été privée de 30 000 voix; elle a perdu le Wisconsin par 27 000 voix», écrivait l'auteur de l'article.

À la suite d'une campagne présidentielle entachée par le piratage russe, réel ou imaginé, il n'en fallait pas plus pour donner un second souffle à un mouvement qui avait déjà adopté un mot-clic sur Twitter: #AuditTheVote. Le hic, c'est que la plupart des spécialistes des données ont une explication simple aux conclusions des universitaires : en tenant compte de différentes informations, dont la composition ethnique et le niveau d'éducation de l'électorat, l'écart entre les comtés disparaît.

Alex Halderman, un des spécialistes cités par New York, a lui-même mis en doute la thèse d'un vote électronique piraté. «Les écarts par rapport aux sondages menés avant l'élection sont-ils le résultat d'une cyber-attaque? Probablement pas. Je crois que l'explication la plus probable est que les sondages étaient systématiques erronés.»

Les experts du Parti démocrate en sont venus à la même conclusion.

Qu'à cela ne tienne, le Parti vert, comme il l'avait fait en 2004, s'est saisi des doutes de certains électeurs, dont des démocrates déçus de la défaite de Clinton, pour «se mettre sur la carte», pour reprendre la formule de Stein à RT. Ces démocrates participent donc à une arnaque orchestrée par une candidate qui voyait en Clinton une candidate aussi abominable que Trump, sinon plus.