La twittosphère s'est emballée en début de soirée hier lorsque l'animatrice de MSNBC Rachel Maddow a fait cette annonce : «Nous avons les déclarations de revenus de Trump. Ce soir. 21 h. MSNBC. (Sérieusement).»

On a appris peu après qu'il ne s'agissait pas des déclarations de revenus de Trump mais d'UNE déclaration de revenus, celle pour l'année 2005. Avant même l'heure de l'émission de Maddow, la Maison-Blanche a diffusé une déclaration dans laquelle elle a précisé que Trump avait versé au gouvernement fédéral 38 millions de dollars sur 150 millions de dollars de revenus en 2005, un taux d'imposition effectif de 25%.

Dans sa déclaration, la Maison-Blanche a accusé Maddow d'avoir obtenu illégalement les deux pages principales de la déclaration du couple Trump de 2005. Elle a aussi mis sur le compte de la course aux cotes d'écoute la décision de l'animatrice de publier ces documents.

Or, lors des 20 premières minutes de son émission, Maddow n'a offert aucun détail sur la déclaration de revenus de Trump. Elle est plutôt revenue sur une série de faits tendant à démontrer selon elle l'influence de pays étrangers, dont la Russie, sur les affaires et les politiques de Trump. Il s'agit d'une démonstration familière aux fidèles de Maddow et faisant la part belle aux insinuations et aux théories de complot.

Un exemple : en 2014, l'actuel secrétaire au Commerce Wilbur Ross a acheté des parts dans la Bank of Cyprus, qui comptait six Russes au sein de son conseil, dont un ancien collègue de Vladimir Poutine au sein du KGB. Maddow trouve louche cette acquisition ne mentionne jamais que Ross a orchestré une purge de tous ces Russes après être devenu un des propriétaires de la dite banque.

Dans son interminable entrée en matière, Maddow a fait valoir que les déclarations de revenus de Trump pourraient permettre de faire la lumière sur les liens financiers du président avec la Russie ou d'autres pays, ce que plusieurs experts en fiscalité mettent en doute.

Au bout de ces 20 premières minutes confondantes, Maddow a interviewé le journaliste réputé David Cay Johnston, qui a découvert dans sa boîte aux lettres les deux pages principales de la déclaration de Trump. Johnston ne sait pas qui lui a envoyé le document mais il a précisé qu'il ne serait pas surpris que ce soit la Maison-Blanche. Après tout, cette déclaration ne fait pas mal paraître Trump - son taux d'imposition effectif est supérieur à celui de Mitt Romney!

Et pendant qu'on parle des impôts de Trump, on ne parle pas du projet de loi sur la santé auquel il a donné son appui et qui pourrait priver 24 millions d'Américains de leur assurance-santé d'ici 2026. On ne parle pas non plus de son gendre Jared Kushner et du cadeau de 400 millions que des Chinois proches du pouvoir s'apprêtent à donner à sa famille. On ne parle pas non plus de la Russie et de James Comey, directeur du FBI, qui pourrait aujourd'hui confirmer si Trump fait l'objet ou non d'une enquête sur ses liens avec la Russie.

Deux commentaires pour finir. La publication de la déclaration de revenus de 2005 n'est pas inutile. Elle démontre notamment que le taux d'imposition de 25% n'a été atteint que grâce au paiement de 31 millions de dollars au titre de «l'impôt minimum alternatif». Trump, faut-il préciser, veut éliminer cet impôt créé pour empêcher que d riches contribuables profitent de niches fiscales pour payer peu ou pas d'impôt.

Mes critiques sur l'approche de Maddow, par ailleurs, ne sauraient être interprétées comme une défense de Trump et des affaires louches ou illégales dans lesquelles il trempe peut-être.

P.S. : Ce matin, sur Twitter, Trump a qualifié de «fake news» l'explication de David Cay Johnston selon laquelle il a trouvé sa déclaration de revenus pour 2005 dans sa boîte aux lettres.