Récapitulons : mercredi dernier, Devin Nunes, président de la commission du Renseignement de la Chambre des représentants, se précipite à la Maison-Blanche pour informer son occupant d'un fait qui vient de lui être communiqué : pendant la période de transition qui a précédé l'investiture du 45e président, des communications de membres de son entourage avec des ressortissants étrangers ont été interceptées par les agences de renseignement américaines.

Avant de rencontrer le président, Nunes n'informe pas ses collègues de la commission du Renseignement mais tient une conférence de presse. Avant la fin de la journée Donald Trump se dit «quelque peu conforté» par les propos du représentant républicain. Des médias conservateurs vont plus loin : selon eux, les propos de Nunes prouvent que Trump avait raison de dire qu'il avait été mis sur écoute par Barack Obama.

À noter : Nunes n'accuse pas les agences de renseignement d'avoir agi illégalement dans cette affaire. Il admet d'autre part que les communications de proches de Trump ont été interceptées de façon fortuites, c'est-à-dire que ceux-ci n'étaient pas ciblés par les écoutes.

Mais alors, que faisait Nunes à la Maison-Blanche? C'est la question que je soulevais dans le titre d'un premier billet consacré à cette affaire. Les démocrates y ont répondu en accusant Nunes d'avoir tenté de détourner l'attention du public au moment où celui-ci digérait encore l'audition du directeur du FBI James Comey devant la commission du Renseignement de la Chambre lundi dernier.

Audition au cours de laquelle Comey a nié les allégations de Trump sur sa mise en écoute par Obama et révélé l'existence d'une enquête pour déterminer si des proches du président ont collaboré aux efforts russes pour influencer l'élection présidentielle de 2016.

Or, la question «Que faisait Nunes à la Maison-Blanche?» ne s'applique plus seulement à la visite qu'il a rendue à Trump mercredi dernier. Car le représentant républicain a avoué hier avoir été sur «le terrain de la Maison-Blanche» pour y rencontrer, mardi dernier, une «source» qui l'a informé des communications interceptées impliquant des proches de Trump.

Quelle est cette source? Pourquoi l'a-t-il rencontrée sur le «terrain» (grounds) de la Maison-Blanche? Ni un porte-parole de Nunes ni celui-ci n'ont voulu répondre à la première question. Ils ont par ailleurs précisé que la rencontre a eu lieu sur le «terrain» de la Maison-Blanche parce que le représentant avait besoin d'un endroit «sûr» pour consulter des documents classifiés (explication bizarre puisque de tels endroits existent sous le Capitole).

Les démocrates sont extrêmement sceptiques. Aussi la chef de la minorité à la Chambre, Nancy Pelosi, et le démocrate le plus haut placé au sein de la commission du Renseignement, Adam Schiff, ont-ils demandé hier à Nunes de se récuser de l'enquête sur l'ingérence russe dans l'élection présidentielle de 2016.

Nunes, qui préside une commission réputée pour son approche bipartite, a refusé cette demande. Et il a annulé les travaux de sa commission pour le reste de la semaine.

Rappelons que la commission devait aujourd'hui tenir une audition publique à laquelle avaient été conviés l'ex-directeur du Renseignement national James Clapper, l'ex-directeur de la CIA John Brennan et l'ex-ministre de la Justice intérimaire Sally Yates.

Yates devait notamment lever le voile sur les circonstances qui l'ont incité à contacter la Maison-Blanche fin janvier pour l'informer que Michael Flynn, alors conseiller à la sécurité nationale, avait menti sur la nature de ses contacts avec l'ambassadeur de Russie à Washington et qu'il était vulnérable au chantage de la Russie.

On comprend que le Maison-Blanche ne voulait pas que Yates fournisse des détails sur cette histoire mystérieuse. Mais se peut-il que Nunes ait renoncé à son indépendance et à son intégrité pour camoufler une vérité qui dérange?

P.S. : La Maison-Blanche a cherché à empêcher Yates de témoigner devant la commission du Renseignement de la Chambre des représentants, selon le Washington Post.