Semaine cruciale pour la nomination Neil Gorsuch au siège de la Cour suprême des États-Unis laissé vacant par Antonin Scalia, décédé en février 2016. Aujourd'hui, la commission des Affaires judiciaires du Sénat procédera à un premier vote qui sera suivi par trois jours de débat en séance plénière et un deuxième vote jeudi par l'ensemble des sénateurs qui pourrait ouvrir la voie à l'«option nucléaire».

L'«option nucléaire»? Hyperbolique à souhait, l'expression fait référence à l'élimination d'une règle du Sénat selon laquelle 60 voix sont nécessaires pour mettre un terme au débat sur la nomination d'un juge à la Cour suprême. Jusqu'en 2013, cette règle s'appliquait à toutes les nominations du président, y compris les nomiations des positions de juges fédéraux de premières instances. Les démocrates l'ont éliminé pour ces circonstances en raison des blocages systématiques orchestrés par les républicains.

Or, les sénateurs démocrates menacent aujourd'hui d'utiliser la règle des 60 voix pour bloquer la nomination du juge Gorsuch. Jusqu'à maintenant, seulement trois d'entre eux (sur 48) ont signalé leur intention de voter en faveur du juriste conservateur, à savoir Joe Manchin de la Virginie-occidentale, Joe Donnelly de l'Indiana et Heidi Heitkamp du Dakora-du-Nord. Les trois défendront en 2018 des sièges dans des États enlevés haut la main par Donald Trump.

Le chef de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, est confiant que les démocrates seront capables de bloquer la nomination de Gorsuch. Pour y parvenir, ceux-ci devront éviter que cinq autres sénateurs de leur parti imitent Manchin et cie. Au début de cette semaine, tout indique que le blocage (filibuster) aura lieu jeudi.

Et le résultat de cette manoeuvre parlementaire déclencherait l'«option nucléaire». Par une série de votes procéduraux, le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, pourrait en effet changer les règles du Sénat et mettre fin à un débat sur la nomination d'un juge à la Cour suprême par un vote à majorité simple, c'est-à-dire 51 voix.

Les républicains disposent de 52 sièges sur 100 au Sénat. Seul John McCain a indiqué qu'il voterait contre un changement de la règle des 60 voix. D'autres sénateurs républicains le suivront-ils? Douteux.

Et pourquoi les démocrates voudraient-ils bloquer la nomination de Gorsuch? Citons une des raisons invoquées par Claire McCaskill, sénatrice du Missouri, État remporté par Donald Trump par 19 points de pourcentage. «Donald Trump a promis aux électeurs du Missouri qu'il défendrait les petites gens, les travailleurs, les laissés-pour-compte. Il a promis d'assécher le marais des intérêts spéciaux, des lobbyistes et des politiciens qui ont oublié les travailleurs de ce pays. Cette nomination rompt ces promesses», a déclaré la sénatrice en déplorant notamment le «manque flagrant d'humanité» du juge dont les décisions favorisent toujours selon elles les patrons et les riches donateurs du Parti républicain qui tentent d'influencer le Congrès.

Pour illustrer le manque d'humanité supposé de Gorsuch, McCaskill a fait référence à l'affaire du «camionneur gelé» qui a produit la seul moment mémorables des auditions du juge de Denver devant la commission des Affaires judiciaires du Sénat (voir la vidéo qui coiffe ce billet). Le moment a également illustré le refus de Gorsuch de répondre aux questions les plus simples, un fait invoqué par John Tester, qui représente un autre État remporté par Trump (Montana), pour justifier sa décision de voter contre lui.

Mais les raisons qui motivent l'attitude des démocrates s'étendent aussi à la politique partisane. Ceux-ci n'ont pas digéré le refus des républicains de tenir la moindre audition sur la nomination du juge Merrick Garland, choisi en mars 2016 par Barack Obama pour remplacer Scalia. Et ils sont conscients que la base du Parti démocrate veut que ses élus s'opposent systématiquement à tout ce que propose Donald Trump, y compris à un juge que les républicains (et certains démocrates) considèrent comme étant hautement qualifié.

Ajout : au moins 41 sénateurs démocrates ont annoncé leur intention de bloquer la nomination du juge Gorsuch, en comptant ceux qui l'ont fait aujourd'hui. C'est donc dire que les républicains devront déclencher l'option nucléaire s'ils veulent procéder vendredi au vote confirmant la nomination de Gorsuch.