En publiant sa version de l'histoire du Washington Post sur le canal de communication secret que Jared Kushner voulait ouvrir avec Moscou, le New York Times présente l'explication de la Maison-Blanche : le gendre de Donald Trump voulait permettre à Michael Flynn de parler directement avec un responsable russe de divers dossiers touchant à la sécurité nationale, dont la Syrie.

Cette explication laisse au moins deux questions en suspens. La première : pourquoi Kushner croyait-il justifié (et même légal) d'utiliser les locaux et les moyens de communications de l'ambassade de Russie ou d'un consulat russe pour s'assurer que les échanges de Flynn ne soient pas interceptés par les services de renseignement américains?

«Si un agent de renseignement américain avait fait quelque chose de semblable, nous considérerions cela comme de l'espionnage», a déclaré John McLaughlin, ex-patron de la CIA, sur MSNBC hier soir.

Deuxième question : si Kushner a discuté avec l'ambassadeur de Russie à Washington des façons d'établir un canal de communication secret pour favoriser la paix en Syrie, une cause noble, pourquoi a-t-il omis de mentionner ses contacts avec ce dernier, dont celui du 1er ou 2 décembre à la Trump Tower (ainsi que celui avec un banquier russe proche de Vladimir Poutine quelques jour plus tard) dans le formulaire SF86 qu'il a dû remplir pour obtenir une habilitation de sécurité?

Faut-il croire qu'il a préféré mentir en remplissant le formulaire - et commettre ainsi un crime - plutôt que d'avouer la vérité?

Michael Flynn ne serait donc pas le seul à avoir vraisemblablement violé la loi dans le but de camoufler ses contacts avec les Russes avant l'investiture de Donald Trump à la présidence. Kushner et le président doivent espérer que l'ancien conseiller à la sécurité nationale leur demeure loyal et qu'il n'accepte pas une quelconque offre du FBI lui accordant l'immunité en échange de sa collaboration à son enquête.

À noter qu'au moins trois contacts entre Kushner et l'ambassadeur de Russie aux États-Unis qui n'avaient pas été dévoilés ont eu lieu avant l'élection présidentielle, selon une exclusivité publiée par Reuters hier. Le gendre du président ne les a pas mentionnés non plus dans le formulaire SF86.

Selon Reuters, le FBI cherche notamment à déterminer si les Russes ont suggéré à Kushner ou à d'autres conseillers de Trump que la réduction des sanctions économiques contre la Russie pourrait permettre à des banques russes d'offrir du financement à des personnes liées à Trump.

Chose certaine : on comprend mieux aujourd'hui pourquoi Kushner était si favorable au renvoi de James Comey et si opposé à la nomination d'un procureur spécial pour enquêter sur l'Affaire russe.