James Comey a-t-il réussi à démontrer lors de son audition devant la commission du Renseignement du Sénat que Donald Trump a commis une entrave à la justice? Je n'ai pas fait une recension exhaustive, mais il me semble, au premier coup d'oeil, qu'il y a autant de professeurs de droit qui ont répondu par l'affirmative que par la négative.

L'ancien directeur du FBI n'a lui-même pas voulu se prononcer sur la question, estimant que cette responsabilité revient au procureur spécial Robert Mueller. Mais son témoignage ne laisse guère de doute sur son opinion sur le sujet.

Comey a notamment indiqué lors de son témoignage qu'il n'avait pas interprété comme un simple souhait la demande du président d'abandonner l'enquête sur Michael Flynn, l'ancien conseiller à la sécurité nationale accusé d'avoir menti aux enquêteurs du FBI sur la nature de ses contacts avec l'ambassadeur de Russie aux États-Unis.

«Je l'ai interprété comme une instruction. Il est président des États-Unis, seul avec moi, il dit qu'il espère ceci, je l'ai interprété comme une demande de sa part», a-t-il dit avant d'accuser le chef de la Maison-Blanche de l'avoir limogé «à cause de l'enquête russe».

Il ne fait pas de doute que l'avocat de Donald Trump craint une accusation d'entrave à la justice. Dans sa déclaration après l'audition de Comey, il a pris soin de nier deux éléments clés de son témoignage qui pourraient servir d'arguments à Robert Mueller.

«Sur le fond comme sur la forme, le président n'a jamais dit à M. Comey ''J'ai besoin de loyauté, je m'attends à de la loyauté''», a déclaré Marc Kasowitz.

Il a également réfuté l'allégation de James Comey selon laquelle Donald Trump lui a demandé, le 14 février dernier, d'abandonner l'enquête sur Michael Flynn.

Bigre! L'avocat de Trump demande au public américain de croire la parole du président plutôt que celle de James Comey. Il faut qu'il soit mal pris.

Fait remarquable, James Comey a commencé son témoignage en traitant Donald Trump de fieffé menteur.

«C'étaient des mensonges, purs et simples», a-t-il d'abord déclaré en faisant référence aux propos du président selon lesquels le FBI était en proie à la pagaille et les agents de la police fédérale avaient perdu confiance en lui.

Plus tard, il a fait allusion à la «nature de la personne» de Trump en expliquant pourquoi il avait tenu à relater dans des notes ses interactions «dérangeantes» avec lui.

«Je craignais honnêtement qu'il ne mente sur la nature de nos rencontres», a-t-il déclaré (voir la vidéo qui coiffe ce billet).

Sauf erreur, le nombre de sénateurs qui ont défendu l'honnêteté de Trump s'élève à zéro.

James Comey n'a pas largué de bombe sur Washington lors de son témoignage. Dans un processus qui pourrait être aussi long que celui qui a mené à la démission de Richard Nixon en 1974, il a jeté les bases d'une enquête approfondie sur les circonstances dans lesquelles le président a fini par congédié le directeur du FBI après avoir tenté d'interférer dans une enquête.

Et cela ne tient même pas compte de tous les autres éléments, financiers, politiques ou autres, qui pourraient retenir l'attention de Robert Mueller.

Comey n'a pas largué de bombe aujourd'hui mais il a ébranlé la présidence. Une président dont l'une des porte-parole, Sarah Huckabee Sanders, a dû se résoudre à utiliser une défense rappelant le fameux «I am not a crook» de Nixon.

«Je peux affirmer avec certitude que le président n'est pas un menteur», a-t-elle dit.