Shock and awe : l'expression fait référence à une doctrine militaire préconisant le recours à une puissance écrasante et à des démonstrations de force spectaculaires afin de paralyser l'ennemi et de miner sa volonté de combattre. Plusieurs Américains l'ont découverte à la veille de l'invasion de l'Irak. Et elle refait aujourd'hui surface dans le contexte de l'enquête du procureur spécial Robert Mueller sur l'ingérence russe dans l'élection présidentielle de 2016.

Selon cet article du New York Times, Mueller mène son enquête en misant sur l'équivalent juridique de la méthode shock and awe. Et Paul Manafort, ancien président de la campagne présidentielle de Donald Trump, est l'une de ses cibles prioritaires avec Michael Flynn, ancien conseiller pour la sécurité nationale.

Le Times explique que Manafort a fait l'objet d'un mandat de perquisition en juillet permettant aux enquêteurs du FBI de s'introduire aux petites heures du matin dans son domicile de Virginie sans avoir à cogner à la porte. D'ordinaire, une telle approche signifie que les enquêteurs craignent qu'un suspect ne détruise des documents.

Après la perquisition, Mueller a fait savoir à Manafort qu'il avait l'intention de l'inculper. Selon les experts, le procureur spécial cherche non seulement à obtenir la coopération de Manafort en le menaçant de la sorte mais également à intimider les cibles potentielles de son enquête. Le message est clair: Mueller ne mène pas une enquête pépère à laquelle on est habitué dans le cas de crimes dont les suspects sont des cols blancs.

En fait, sa méthode ressemble davantage à celle employée par les procureurs fédéraux qui s'attaquent au crime organisé, comme l'expliquait hier soir le journaliste du New York Times Matt Apuzzo lors d'une entrevue sur MSNBC (voir la vidéo ci-dessous). Il ne faut pas s'en étonner. Deux des avocats qui travaillent au sein de l'équipe de Mueller - Andrew Weissmann et Greg Andres - ont décapité les clans mafieux de New York alors qu'ils étaient procureurs fédéraux à Manhattan et à Brooklyn. Andres a même arraché en 2007 un verdict de culpabilité à Vito Rizzuto pour sa participation à un triple meurtre commis à Brooklyn en 1981.

Au fil des ans, Andres a également développé une expertise en corruption internationale, fraude fiscale et blanchiment d'argent, des crimes dont Manafort est aujourd'hui soupçonné.

En fait, Manafort est dans la ligne de mire du FBI depuis longtemps. CNN a révélé hier soir que la police fédérale l'avait mis sous écoute à partir de 2014 en rapport avec ses activités de lobbying auprès du parti qui gouvernait l'Ukraine. Après avoir abandonné cette surveillance pendant une période, le FBI l'a reprise avant et après l'élection présidentielle de 2016 après avoir obtenu un deuxième mandat auprès du tribunal fédéral relatif au renseignement étranger, le FISA. Selon CNN, des conversations entre Manafort et Trump ont peut-être été interceptées avant que les avocats du président ne lui ordonnent de cesser de parler à son ancien président de campagne.

CNN précise que certains conversations interceptées entre Manafort et des individus soupçonnés d'être liés au Kremlin ont fait craindre aux enquêteurs que Manafort a encouragé les Russes à aider la campagne de Trump. Tous ces renseignements se retrouvent aujourd'hui en possession de Mueller.