L'ineffable Devin Nunes, président de la commission du Renseignement de la Chambre des représentants, a annoncé hier l'ouverture d'une enquête sur la transaction qui a permis en 2010 à une société d'État russe d'acquérir 20% de la capacité de production d'uranium aux États-Unis.

J'ai fait allusion dans ce billet à la «nouvelle» controverse soulevée par cette transaction à laquelle Hillary Clinton a été mêlée indirectement de deux façons: le département d'État qu'elle dirigeait à l'époque était l'une des neuf agences fédérales qui devaient approuver la vente des actifs américains de la société minière canadienne Uranium One à la société d'État russe Rosatom; des participants de la transaction ont versé de l'argent à la Fondation Clinton.

Précisons que Clinton n'a pas participé elle-même à la décision, pas plus que le secrétaire à la Défense de l'époque, Robert Gates, par exewmple. Les deux et d'autres ont expliqué que la décision n'avait pas été prise à leur niveau. Dans une entrevue, Gates a indiqué qu'il ne se souvient même pas avoir parlé de cette affaire.

Je mets des guillemets au mot «nouvelle» parce que je réalise aujourd'hui que le reportage du site The Hill qui a relancé l'affaire n'a rien de neuf. Comme l'explique très bien le Washington Post dans ce billet, le Wall Street Journal avait déjà publié plusieurs articles en 2015 concernant une enquête du FBI pour tentative de corruption aux États-Uns dont a fait l'objet des responsables de l'industrie nucléaire russe.

The Hill insinue que le FBI et le ministère de la Justice ont fait en sorte de camoufler cette enquête pour ne pas faire mal paraître Clinton dont le département avait donné le feu vert à la transaction sur l'uranium. Il faut l'avouer: c'est une interprétation digne de Fox News qui n'a pas surpris ceux qui ont suivi la carrière de John Salomon, un des journalistes qui a signé l'article de The Hill.

Autrement dit, Solomon s'est prêté à une manoeuvre qui sert aujourd'hui de prétexte à Nunes de refaire le même coup qui l'avait forcé à se récuser de l'enquête sur l'affaire russe : En lançant son enquête sur l'uranium, il tente de brouiller les pistes, détourner l'attention du public, manipuler les médias qui seraient portés à croire que la seule enquête sérieuse pour collusion cible l'entourage de Donald Trump.

Mais les républicains de la Chambre des représentants ne s'arrêteront pas là. Ils ont annoncé hier qu'une autre commission examinera la façon dont le ministère de la Justice a géré l'affaire des courriels de Clinton alors qu'elle était secrétaire d'État. Emailgate II, vous voici!

L'un des dirigeants de cette commission est nul autre que Trey Gowdy, représentant républicain de la Caroline-du-Sud, qui a consacré plusieurs années à enquêter sur l'affaire Benghazi sans rien trouver... sauf le recours à une messagerie privée par Clinton alors qu'elle était secrétaire d'État!

Vous croyez que ces enquêtes sont légitimes et n'ont pas pour but de contrer l'enquête menée par le procureur spécial Robert Mueller sur l'affaire russe? Appelez-moi, j'ai un pont à vendre à Brooklyn.