Le québécisme «enfirouaper» m'est venu à l'esprit en prenant connaissance de la dernière proposition du Sénat républicain pour assurer l'adoption de sa version d'une réforme fiscale. Je dois avouer que des mots plus vulgaires et impubliables dans ce blogue de haute tenue l'ont précédé.

Toujours est-il que les sénateurs républicains ont décidé d'inclure dans leur proposition l'abolition d'une disposition importante de l'Affordable Care Act. Il s'agit de l'obligation faite à presque tous les Américains de souscrire à une assurance santé.

Pour les sénateurs républicains, cette trouvaille fait d'une pierre deux coups. Elle élimine une mesure impopulaire auprès de plusieurs de leurs électeurs, qui y voient une atteinte à la liberté individuelle. Et, plus important encore, elle permet d'économiser quelque 330 milliards de dollars sur dix ans.

Il faut rappeler ici que la réforme fiscale des républicains ne doit pas ajouter plus de 1 500 milliards de dollars aux déficits sur dix ans (oui, les républicains ont déjà été le parti de la rigueur fiscale). L'abolition de la disposition la plus controversée d'Obamacare leur donne donc une marge de manoeuvre additionnelle.

Mais cela ne suffit pas. Pour ne pas dépasser les 1 500 milliards de dollars, les républicains du Sénat ont également proposé d'ajouter une date d'expiration - 2025 - à toutes les baisses d'impôts accordées aux individus. Seules les baisses d'impôts massives aux sociétés seraient permanentes selon cette version de la réforme.

Ainsi donc, la très grande majorité des contribuables américains verraient leurs impôts augmenter dans moins de dix ans afin d'assurer que la réforme fiscale n'ajoute pas plus de 1 500 milliards de dollars aux déficits sur dix ans.

Certains d'entre vous se demandent sans doute pourquoi ce montant est si important. La raison tient aux règles parlementaires du Sénat : si ce montant était dépassé, la réforme fiscale de la chambre haute ne pourrait pas être adoptée sans l'appui d'au moins 60 sénateurs, donc d'un certain nombre de démocrates. Sinon, une majorité simple (et uniquement républicaine) suffirait.

À noter : les changements annoncés hier s'ajoutent à d'autres mesures qui se traduiraient par des hausses d'impôts pour des dizaines de millions d'Américains qui ont le malheur de vivre dans certains États ou qui ne sont pas extrêmement riches. C'est ce qui est le plus extraordinaire dans les projets de réforme fiscale à l'étude au Sénat et à la Chambre des représentants. Seuls les plus riches et les sociétés sont assurés de baisses d'impôts massives et permanentes.

Comment une telle chose est-elle possible? Comment les républicains peuvent-ils «enfirouaper» la classe moyenne de cette façon? Et pourquoi agissent-ils avec une telle précipitation (la Chambre doit tenir demain un vote sur sa version d'une réforme fiscale)? Le représentant républicain de New York Chris Collins a donné une idée de la réponse l'autre jour : «Mes donateurs me disent essentiellement: ''si vous ne passez pas à l'action, ne m'appelez plus''.»

P.S. : Pour en savoir plus long sur l'existence de l'obligation faite aux individus de souscrire à une assurance santé.