Je dois sans doute présenter mes excuses à Bob Corker, qui ne les recevra jamais, cela s'entend. Les lecteurs du billet précédent savent cependant que je n'ai pas cru à la sincérité du sénateur républicain du Tennessee lorsqu'il a déclaré qu'il n'appuierait pas un projet de réforme fiscale si celui-ci creusait le déficit fédéral.

Or, au moment où j'ai écrit ce billet, le sénateur Corker avait appris deux choses qui le placent aujourd'hui dans le camp des indécis concernant le vote sur le projet de réforme, qui pourrait intervenir plus tard aujourd'hui. 1) En raison d'une règle parlementaire, il ne pourra pas insérer dans le texte de loi un mécanisme (trigger) qui déclencherait des hausses d'impôts automatiques si la croissance économique découlant des baisses d'impôts n'engendrait pas, d'ici dix ans, les revenus fiscaux escomptés; 2) Le projet de réforme fiscale du Sénat coûterait à l'État fédéral 1 000 milliards de revenus en moins sur dix ans, selon l'analyse du Joint Committee on Taxation, qui prévoit une croissance économique très modeste (0,8%) découlant du projet de baisses d'impôts de 1 500 milliards de dollars sur dix ans.

Ainsi, pour obtenir l'appui des sénateurs qui ne veulent pas endetter indûment les générations futures - outre Corker, les sénateurs Jeff Flake (Arizona) et James Lankford (Oklahoma) entrent également dans cette catégorie -, les républicains devront trouver aujourd'hui une façon de changer leur projet de réforme afin de garantir à l'État fédéral des centaines de milliards de revenus en plus sur dix ans.

Divers scénarios peuvent permettre d'atteindre cet objectif, incluant un changement à la hausse du taux d'imposition promis aux sociétés (20%) ou le maintien de l'«alternative minimum tax» (l'impôt minimum de remplacement), une taxe qui vise à empêcher les Américains riches de ne payer aucun impôt sur le revenu et que Donald Trump souhaite supprimer.

Il va sans dire que de tels changements ne font pas l'unanimité des républicains ni au Sénat ni à la Chambre des représentants.

Deux autres sénateurs font partie du camp des indécis, mais pour d'autres raisons. La sénatrice du Maine Susan Collins craint notamment l'impact qu'aurait sur le coût des primes d'assurance santé l'abolition d'une disposition majeure de l'Obamacare - l'obligation faite aux Américains de souscrire une assurance santé sous peine d'amende.

Le sénateur du Wisconsin Ron Johnson estime de son côté que la réforme fiscale du Sénat n'est pas assez généreuse envers certaines catégorie d'entreprises.

Avec 52 sièges sur 100, les républicains ne peuvent se permettre plus de deux défections à l'occasion du vote final.

On trouve ici et ici les comptes rendus du New York Times et du Washington Post sur les tractations d'hier au Sénat.