Les férus de politique américaine connaissent Roy Cohn. Dans les années 1950, l'avocat new-yorkais a été le bras droit du sénateur Joseph McCarthy durant sa chasse aux communistes, un des chapitres les plus sombres de l'histoire des États-Unis.

Après la chute de McCarthy, Cohn est retourné à New York, où il a notamment représenté le père de Donald Trump avant de prendre son fils sous son aile. En 1979, Donald Trump a fait le commentaire suivant sur Cohn, qui a également eu nombre de mafieux parmi sa clientèle : «Si vous avez besoin de quelqu'un qui peut devenir vicieux contre vos opposants, vous faites appel à Roy.»

Tout ça pour dire que Donald Trump semble s'ennuyer de Roy Cohn, décédé en 1986 du sida (après avoir vécu son homosexualité en secret tout en dénonçant publiquement l'homosexualité). Selon un article du New York Times publié hier soir, le président a exprimé sa frustration à l'endroit de son ministre de la Justice, Jeff Sessions, en déclarant : «Où est mon Roy Cohn?»

Donald Trump a posé cette question après avoir appris que Jeff Sessions avait l'intention de se récuser de l'enquête sur l'affaire russe. Selon le Times, il a demandé au conseiller juridique de la Maison-Blanche, Donald McGahn, de convaincre son ministre de la Justice de ne pas aller de l'avant avec son projet. McGahn n'a pas insisté après que Sessions lui a expliqué qu'il ne faisait que suivre les recommandations des avocats de son ministère.

Mais Donald Trump n'a jamais décoléré. Il soutient qu'il mérite la même protection et la même loyauté que des ministre de la justice d'une autre époque, en l'occurrence Robert Kennedy et Eric Holder, avaient respectivement offert selon lui à John Kennedy et à Barack Obama.

Le lobbying de McGahn auprès de Sessions fait partie des épisodes potentiellement importants que le procureur spécial Robert Mueller a découverts au cours de son enquête sur l'affaire russe. Mueller tente notamment de déterminer si Trump a commis une entrave à la justice au cours des premiers mois de sa présidence.

L'article du Times contient d'autres révélations, dont une accusation plutôt sérieuse concernant Jeff Sessions. Selon son auteur, Michael Schmidt, un adjoint du ministre de la Justice a demandé à un employé bien placé au Congrès s'il possédait des informations compromettantes concernant James Comey susceptibles d'être publiées sur une base quotidienne. Le directeur du FBI a été congédié quatre jours après cette demande.

Le ministère de la Justice a nié l'existence d'une telle demande.

Autre révélation : Mueller possède des notes manuscrites de Reince Priebus, ex-chef de cabinet de la Maison-Blanche, prouvant que le président a bel et bien demandé à Comey de dire publiquement qu'il ne faisait pas l'objet d'une enquête.

Le Times affirme par ailleurs qu'un avocat de la Maison-Blanche a menti au président en affirmant qu'il n'avait pas le pouvoir de limoger le directeur du FBI. De toute évidence, Donald Trump a fini par découvrir qu'il n'en était rien.

«Où est mon Roi Cohn?» a-t-il peut-être dès lors pensé.

P.S. : Qui sait, Jeff Sessions a peut-être fini par comprendre le message de Donald Trump. Selon cet article du New York Times, des agents du FBI ont s'intéressent de nouveau à la Fondation Clinton. Ce début d'investigation fait suite aux appels répétés de Donald Trump et de républicains du Congrès, qui accusent Hillary Clinton d'avoir fait des faveurs aux donateurs de la fondation de son mari.

La fondation a toujours nié ces accusations et des procureurs et agents fédéraux ont mis un terme à leur enquête sur cette question en 2016.