Vous avez peut-être entendu parler du mot-clic #ReleaseTheMemo, dont le succès sur Twitter tient en bonne partie à des comptes liés aux campagnes d'intox menées par la Russie. Il fait référence à un mémorandum rédigé par Devin Nunes, président de la Commission de la Chambre des représentants sur le Renseignement.

Les lecteurs assidus de ce blogue se souviendront que Nunes avait dû se récuser temporairement de tout rôle dans l'enquête sur l'affaire russe après avoir tenté de protéger Donald Trump en se livrant à des manoeuvres dignes de la série Pink Panther et mettant en cause son impartialité. Après avoir réussi à démontrer qu'il n'avait pas dévoilé des renseignements classifiés, il est de retour avec un mémo de quatre pages dans lequel il accuse l'administration Obama et le FBI d'abus de pouvoir en matière de surveillance. Un abus qui aurait permis aux sbires du président démocrate de placer sous surveillance un des membres de l'équipe de campagne de Donald Trump (Carter Page) en s'appuyant sur un dossier bidon (le rapport Steele).

Évidemment, ce que je viens d'écrire ne vient pas du mémo comme tel mais de fuites médiatiques. Car le mémo, comme le laisse entendre le mot-clic #ReleaseTheMemo, n'a pas encore été rendu public. Pourquoi? Parce qu'il contient des renseignements classifiés. Or, seul le président peut décider de les déclassifier. Le fera-t-il? Plusieurs républicains de la Chambre le réclament, de même que des abonnés de Twitter parmi lesquels se trouvent un nombre important de «bots» russes.

Vous ne serez sans doute pas surpris d'apprendre que les démocrates dénoncent ce mémo, accusant Nunes d'avoir rédigé un document tendancieux et demandant à Twitter et Facebook de se pencher sur cette campagne d'intox présumée de la Russie.

Quoi qu'il en soit, le mot-clic #ReleaseTheMemo fait partie d'une campagne bien réelle menée par les républicains pour dénigrer le FBI et le ministère de la Justice. Une campagne qui connaît un regain de vigueur et d'imagination ces jours-ci. C'est ainsi que le sénateur républicain du Wisconsin Ron Johnson, disant s'appuyer sur les confidences d'un informateur, évoque l'existence au sein du FBI d'une «société secrète» dont l'objectif est de faire tomber Donald Trump. «Cela représente une autre preuve non pas de la partialité mais de la corruption aux plus hauts niveaux du FBI», a déclaré Ron Johnson sur Fox News hier soir.

Interrogé sur son informateur et les détails de cette «société secrète», le sénateur n'en a pas dit davantage, affirmant qu'il incombait au Congrès de mener une enquête à ce sujet.

Mémo secret, société secrète, et quoi encore? Il y a évidemment l'affaire des textos des amoureux du FBI, Peter Strzok et Lisa Page. Strzok a été retiré de l'équipe du procureur spécial Robert Mueller l'été dernier après que ce dernier a découvert des messages entre l'agent et l'avocate du FBI mettant en cause leur professionnalisme. Parmi les 50 000 textos échangés par la paire, Strzok qualifie Donald Trump d'«idiot» et Page estime que «cet homme ne peut devenir président».

On y retrouve aussi certaines allusions énigmatiques, dont l'une concerne une «société secrète» qui a fortement contribué à la théorie du complot échafaudée par le sénateur Johnson.

Or, le ministère de la Justice a lui-même alimenté les théories de complot cette semaine en confirmant la perte de textos échangés entre Strzok et Page de la mi-décembre 2016 au 17 mai 2017. Le FBI attribue ce problème aux téléphones Samsung 5 fournis à ses employés «qui n'ont pas capté ou mémorisé les messages» à cause de problème de configuration lié à une mise à niveau.

Tout ça pour dire que les républicains sont tellement occupés ces jours-ci qu'ils n'ont pas encore eu le temps de s'indigner  cette nouvelle concernant une de leurs bêtes noires au FBI: Andrew McCabe. Peu après le licenciement de James Comey, Donald Trump a demandé au numéro du FBI pour qui il avait voté lors de l'élection présidentielle de 2016. McCabe a répondu qu'il n'avait pas voté.

Le président n'en est cependant pas resté là. Il a également dénoncé devant McCabe le fait que la femme de ce dernier ait accepté des centaines de milliers de dollars d'un comité d'action politique dirigé par un allié des Clinton lors d'une campagne électorale en Virginie en 2015.

Selon le Washington Post, qui rapporte cette histoire, plusieurs responsables du FBI ont exprimé de la frustration en apprenant que le président avait demandé à un fonctionnaire fédéral avec plus de 20 ans d'expérience pour qui il avait voté et critiqué de surcroît sa femme en raison de ses allégeances politiques.