Le juge de la cour FISA qui a accordé au FBI l'autorisation de mettre sur écoute Carter Page était au courant que le dossier compilé par l'ancien espion britannique Christopher Steele avait été financé par une entité politique, même si la demande ne précisait pas qu'il s'agissait du Comité national du Parti démocrate ou l'équipe de campagne d'Hillary Clinton.

Deux responsables du gouvernement américain, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, ont fait cette assertion, contredisant un point crucial du mémo des républicains sur le FBI, selon un article du Washington Post. Ils se sont ainsi faits l'écho d'une affirmation semblable contenue dans le mémo préparée par les démocrates pour réfuter celui des républicains et dont le New York Times a évoqué des extraits hier.

Si ces responsables gouvernementaux et les démocrates disent vrai, il faut conclure que le mémo des républicains est un document frauduleux. Tous les experts ont déjà décrié ses informations tendancieuses ou trompeuses. Ils ont notamment fait valoir que les informations du dossier Steele n'auraient pu guider la décision du juge de la cour FISA que si elles avaient été corroborées par d'autres informations récoltées par le FBI.

Les experts ont également souligné les omissions nombreuses du mémo, dont l'une des plus importantes concerne le fait que Carter Page avait déjà été interviewé en 2013 par le FBI à cause de ses contacts avec des agents du renseignement russes, qui voulaient le recruter comme espion. Il est impensable, disent ces experts, que cette information n'ait pas été inclue dans la demande du FBI.

Outre les omissions, il y a l'interprétation tendancieuse ou trompeuse de certains faits, dont l'importance d'un article de Yahoo News sur Page et le témoignage de l'ancien directeur adjoint du FBI Andrew McCabe devant la commission du Renseignement de la Chambre des représentants.

Bref, le mémo n'est pas ce document béton qui allait, selon ses promoteurs les plus fébriles, torpiller la crédibilité de l'enquête russe menée par le procureur spécial Robert Mueller. En fait, il mine plutôt un des arguments des républicains selon lequel le dossier Steele a déclenché l'investigation de contre-espionnage du FBI. À la fin du document, le mémo mentionne que cette investigation a plutôt commencé après que le FBI a eu vent des confidences de George Papadopoulos, conseiller de l'équipe de campagne de Donald Trump, à un diplomate australien au sujet des piratages russes ciblant Hillary Clinton.

Pourquoi faire état de ce Papadopoulos? La seule explication tient au fait que les auteurs du mémo peuvent préciser que l'agent Peter Strzok est celui qui a lancé cette enquête en juillet 2016. Les habitués de ce blogue connaisse Strzok, bête noire des républicains et participant présumé à un complot anti-Trump au sein du FBI. Le mémo fait d'ailleurs allusion à ses textos échangés avec Lisa Page. Malheureusement pour les complotistes, le Wall Street Journal a lu tous les quelque 7 000 textos des deux amoureux concernant Donald Trump de près ou de loin et n'y a vu aucun complot contre le président.

Deux choses semblent être évidentes au lendemain de la publication du mémo des républicains sur le FBI : la réputation du président de la commission du Renseignement de la Chambre a été réduite à néant aux yeux de tous ceux qui sont encore capable d'un esprit critique. Et la crédibilité de sa commission en a également pris un coup, ce qui est plus que regrettable au moment où le chef de la CIA assure que la Russie tentera d'influencer les élections de mi-mandat.

Le mémo ne met pas complètement à l'abri celui qui aurait pu payer la note pour une révélation vraiment sérieuse, à savoir le numéro deux du ministère de la Justice, Rod Rosenstein, qui supervise l'enquête de Mueller.

Plusieurs médias ont rapporté que le président entendait se servir du mémo pour justifier le licenciement de Rosenstein. Or, le mémo ne met pas en cause Rosenstein, à moins de nourrir la plus grande mauvaise foi, ce qui n'est peut-être pas au-dessus du 45e président.