Depuis plusieurs mois, la rumeur voulait que Mike Pompeo, directeur de la CIA, prenne la tête du département de d'État à la place de Rex Tillerson, qui avait ni plus ni moins signé son arrêt de mort professionnelle en refusant de nier avoir traité Donald Trump de «putain de débile» l'an dernier.

Le licenciement de l'ancien pdg d'ExxonMobil ce matin n'est donc pas une surprise. Ce n'était qu'une question de temps avant que le président ne passe à l'action. Il fallait aussi s'attendre à ce que ce dernier ne mette pas les gants blancs pour le faire. Vendredi dernier, le chef de cabinet de la Maison-Blanche John Kelly avait d'ailleurs pressé Rex Tillerson d'abréger sa tournée africaine en ajoutant, selon cet article du New York Times, ces mots prophétiques : «Tu vas peut-être recevoir un tweet».

Le tweet ne s'adressait pas seulement à Rex Tillerson mais aux dizaines de millions d'abonnés Twitter du président, ce qui n'a pas dû plaire au Texan. Un de ses adjoints, Steve Goldstein, a d'ailleurs précisé que le président n'avait pas parlé au secrétaire d'État pour lui annoncer son licenciement et ne lui avait pas expliqué pourquoi il avait été viré. Autrement dit, Donald Trump s'est comporté en goujat à l'endroit d'un des membres les plus importants de son cabinet, selon Goldstein.

Goldstein a été congédié à son tour de son poste au département d'État peu après sa déclaration.

Lors d'une conférence de presse cet après-midi, Rex Tillerson a révélé que le président a fini par lui parler au téléphone vers midi. Il n'a cependant pas remercié ce dernier devant les journalistes de lui avoir d'avoir donné l'occasion de diriger la diplomatie américaine.

En Mike Pompeo, Donald Trump comptera sur un secrétaire d'État dont il admire la feuille de route. L'ancien représentant du Kansas a notamment fini au premier rang de sa promotion à la prestigieuse académie militaire de West Point et complété des études de droit à Harvard. En Pompeo, Trump s'assurera aussi de l'appui d'un secrétaire d'État qui partage certaines de ses positions en matière de politique étrangère, et tout particulièrement concernant l'accord sur le nucléaire iranien. Contrairement à Tillerson, Pompeo estime que cet accord mérite d'être jeté aux rebuts.

«C'était une mentalité différente», a déclaré le président en parlant de ses différends avec Tillerson devant les journalistes (voir la vidéo qui coiffe ce billet).

En Mike Pompeo, Donald Trump aura enfin un secrétaire d'État dans lequel il a pleinement confiance à l'approche d'un sommet éventuel avec Kim Jong-un, ce qui n'est pas négligeable.

Il sera cependant intéressant de voir quelles positions Pompeo adoptera face au conflit qui oppose aujourd'hui le Royaume-Uni, allié fraternel et traditionnel des États-Unis, et la Russie. Donald Trump et la Maison-Blanche ont tout fait hier pour ne pas blâmer Vladimir Poutine dans le dossier de l'empoisonnement d'un ancien espion russe Sergueï Skripal et de sa fille au Royaume-Uni.

Il est bien sûr intéressant de noter que Tillerson, avant d'être mis à la porte, avait endossé à fond la position de la première ministre britannique sur ce sujet, ce que Donald Trump n'a fait qu'aujourd'hui après un entretien téléphonique avec Theresa May. Je cite l'ancien secrétaire d'État :

«Nous faisons toute confiance à l'enquête britannique selon laquelle la Russie est probablement responsable de l'attaque avec un agent innervant qui s'est déroulée à Salisbury la semaine dernière. Nous sommes d'accord sur le fait que les responsables - à la fois ceux qui ont commis le crime et ceux qui l'ont ordonné - doivent en subir les sérieuses conséquences appropriée.»

À peine après avoir prononcé ces mots, Rex Tillerson ne faisait plus partie de l'administration Trump. Les historiens diront peut-être à son sujet qu'il a été l'un des pires secrétaires d'État, ayant participé à la décimation du département d'État et à la marginalisation de la diplomatie américaine. Mais il aura également été une force de modération auprès de Donald Trump et un allié précieux pour le secrétaire à la Défense James Mattis, une des rares figures à avoir conservé sa crédibilité au sein de l'administration américaine.