Rush Limbaugh, ténor de la droite américaine à la radio, a tenté d'attribuer la loi de financement de l'État fédéral adoptée par le Congrès à un complot ourdi par l'establishment politique afin de mettre fin à la présidence de Donald Trump. Rien de moins.

«Je vous le dis, c'est l'État profond, c'est l'establishment, qui essaie de se débarrasser de Donald Trump par tous les moyens possibles», a-t-il déclaré lors de son émission d'aujourd'hui. «Ce budget est conçu pour pousser les électeurs de Trump à penser que sa présidence est inutile. Ce budget est conçu pour pousser les électeurs de Trump à conclure: ''Vous savez quoi, il n'y aura pas de mur et il n'y aura rien de sérieux sur l'immigration et la présidence de Trump est donc futile''.»

Rush Limbaugh n'est pas une voix isolée chez les conservateurs américains. Plusieurs d'entre eux ont décrié au cours des dernières heures cette loi de financement qui débloquera 1 300 milliards de dollars et assurera le fonctionnement du gouvernement fédéral américain jusqu'au 30 septembre.

Plus de la moitié de cette somme (700 milliards de dollars) sera consacrée à la défense, une priorité du président. Mais les démocrates ont réussi à bloquer les politiques les plus répressives proposées par les républicains en matière d'immigration tout en assurant la survie de programmes honnis par la droite, notamment en matière d'éducation, de recherche et de santé (l'organisation Planned Parenthood continuera à recevoir des fonds fédéraux).

Le président n'aura obtenu que 1,6 milliard de dollars pour renforcer la sécurité à la frontière sud. L'argent servira à construire une clôture (et non un mur) de 53 km et à acheter de nouveaux équipements de détection. Donald Trump demandait 25 milliards de dollars pour la construction de son fameux mur. En échange, il acceptait de régulariser les «Dreamers». Les démocrates, de même que plusieurs «Dreamers», n'étaient pas prêts à accepter cette proposition, qui incluait aussi l'embauche de milliers de nouveaux agents d'immigration pour expulser les clandestins et la construction de centres de détention pour les enfermer en attendant.

Au cours des derniers jours, Rush Limbaugh a encouragé le président à opposer son veto à la loi de financement. Ce matin, en écoutant Fox News, Donald Trump a entendu le même refrain, d'où la menace vide qu'il a formulée à 8 h 55 sur Twitter d'utiliser son veto pour bloquer la loi adoptée par le Congrès (voir la page d'accueil du site conservateur Drudge Report). Un tel veto aurait paralysé l'État fédéral à partir de minuit ce soir.

Le président n'en a évidement rien fait, promulguant cette loi qu'il a qualifiée de «ridicule». Il a juré qu'il ne signerait jamais plus une telle mesure.

Sa menace était aussi faible que l'explication de Rush Limbaugh. Donald Trump n'est pas la victime de l'«État profond», de l'establishment ou du marais de Washington. L'auteur de The Art of the Deal s'est fait élire en traitant les politiciens d'idiots parce qu'ils n'étaient pas capables de conclure des ententes avantageuses pour les contribuables américains. Ce n'est pourtant pas difficile, a-t-il répété. Une fois élu, je le montrerai.

Aujourd'hui, Donald Trump, président à une époque où son parti contrôle les deux chambres du Congrès, a montré que le roi est nu. Plus que jamais.