Sous l'impulsion de Paris et d'Abou Dhabi, une conférence internationale réunissant des représentants d'une quarantaine d'États et d'institutions privées a approuvé samedi la création d'un fonds financier et d'un réseau de refuges pour protéger le patrimoine en période de conflit.

Ces deux engagements sont contenus dans la «Déclaration d'Abou Dhabi», adoptée par consensus en présence du président français François Hollande, de l'homme fort des Émirats arabes unis Mohammed ben Zayed Al-Nahyane et de la directrice générale de l'Unesco Irina Bokova.

Réunie depuis vendredi, cette conférence a été convoquée à la suite d'une série de destructions commises ces dernières années par des djihadistes en Irak, en Syrie, au Mali et en Afghanistan.

«Nous nous engageons à poursuivre deux objectifs ambitieux et pérennes pour garantir la mobilisation de la communauté internationale en faveur de la sauvegarde du patrimoine», affirme la «Déclaration d'Abou Dhabi».

D'une part, «la constitution d'un fonds international pour la protection du patrimoine culturel en péril en période de conflit armé, qui permettrait de financer des actions préventives ou d'urgence, de lutter contre le trafic illicite de biens culturels, ainsi que de participer à la restauration de biens culturels endommagés».

D'autre part, «la création d'un réseau international de refuges pour sauvegarder de manière temporaire les biens culturels mis en péril par les conflits armés ou le terrorisme, sur leur territoire (...) dans un pays limitrophe, ou, en dernier ressort, dans un autre pays, en accord avec les lois internationales à la demande des gouvernements concernés».

M. Hollande a confirmé que le siège du fonds financier serait à Genève et que l'objectif était de réunir au moins 100 millions de dollars, dont 30 seront versés par la France.

Si l'objectif de 100 millions est dépassé, «nous ne nous en plaindrons pas et nous ne nous refuserons aucun geste supplémentaire», a ajouté le président français.

D'autres États, dont des monarchies du Golfe et la Chine, ont signalé leur disposition à un effort financier, sans cependant préciser de montants.

Selon M. Hollande, la conférence d'Abou Dhabi est «un rendez-vous qui marquera l'Histoire» dans la lutte contre «le fanatisme».

«C'est la première fois que des pays, mais aussi des organisations, des experts, des donateurs se rassemblent pour protéger les biens communs de l'humanité et pour se donner les moyens d'y parvenir», a-t-il noté.

Zones refuges

Certains pays, comme la Bosnie-Herzégovine et le Sénégal, ont exprimé leur disposition à faire partie du réseau de refuges, mais d'autres, comme l'Égypte, ont exprimé des réserves en raison de questions de souveraineté, a indiqué un délégué à l'AFP.

Parlant à la tribune, le premier ministre grec Alexis Tsipras a déclaré que le processus de «zones refuges» devait être la «dernière option» et que des «garanties» devaient être fournies pour la «restitution en toute sécurité» d'un bien culturel au pays propriétaire.

La conférence d'Abou Dhabi a sollicité l'appui du Conseil de Sécurité des Nations unies pour la réalisation de ses projets. Un responsable français a évoqué l'adoption d'une résolution onusienne pour fixer des normes en matière de protection du patrimoine.

Une «conférence de suivi», qui sera organisée en 2017, permettra notamment d'évaluer la mise en oeuvre des initiatives lancées à Abou Dhabi et des premiers projets financés par le fonds international, conclut le texte.

Parmi les chefs d'État présents samedi figuraient les présidents du Mali, du Yémen et d'Afghanistan, ainsi que l'émir du Koweït.

L'homme fort des Émirats a souligné la «responsabilité commune» des dirigeants actuels vis-à-vis des «générations futures». Mme Bokova a elle affirmé que la protection du patrimoine était «un acte de foi» pour «vivre ensemble». La culture est «l'âme des peuples», a-t-elle dit.

La conférence sur le patrimoine en danger s'est tenue en marge de l'achèvement du Louvre d'Abou Dhabi, voulu comme «le premier musée universel dans le monde arabe» et un symbole d'«ouverture» et de «tolérance».

M. Hollande, qui a renoncé à briguer un second mandat, a visité samedi le site du musée qui sera inauguré en 2017.

Le Louvre d'Abou Dhabi «a le pouvoir d'envoyer un message de paix, de dialogue, de compréhension et d'intelligence», a-t-il dit.