Demain, à 11h, heure d'Oslo, le comité norvégien du prix Nobel annoncera le nouveau lauréat du prix Nobel de la paix.

Si le comité, qui fixait son choix au début du mois d'octobre, a confirmé avoir reçu 273 candidats, dont 205 individus et 68 organisations, la liste complète des candidatures n'est pas rendue publique. La liste restreinte, établie par le comité sélectionné par le Parlement norvégien, sera pour sa part un secret bien gardé pour les 50 prochaines années.

Selon le testament du père de la dynamite Alfred Nobel, qui a établi le prix à sa mort en 1896, le Nobel de la paix doit être décerné à la personne ou à l'organisation qui, dans l'année précédente, a «le plus ou le mieux contribué à la fraternité entre les nations, à l'abolition ou à la réduction des forces militaires, à la promotion de la paix ou à la tenue de congrès pacifiques».

Malgré l'opacité du processus de sélection, nous avons dépoussiéré notre boule de cristal pour établir une courte liste de récipiendaires pressentis qui pourraient se joindre au club sélect des 128 lauréats du dernier siècle. Parmi eux, Barack Obama, Nelson Mandela, Martin Luther King et la jeune Malala Yousafzai.



Le pape François

L'Argentin Jorge Mario Bergoglio a quelque peu dépoussiéré l'Église catholique depuis qu'il en a pris les rênes en mars 2013. Il a notamment reconnu le problème des agressions sexuelles perpétrées par des prêtres catholiques et changé le discours de son Église à l'égard des homosexuels et des couples divorcés. Il a aussi pris la défense de l'environnement. Cependant, si le célèbre prix est remis au pape, il le sera probablement pour le rôle qu'il a joué dans le rapprochement entre les États-Unis et Cuba, qui ont mis fin à 55 ans de conflit ouvert. L'actuel président cubain, Raùl Castro, et ses vis-à-vis américains pourraient être nommés conjointement.



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Le pape François.

John Kerry et Mohammad Javad Zarif

Le 14 juillet, l'Iran, les grandes puissances mondiales (États-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne, Chine) et l'Allemagne ont conclu un accord historique sur la question nucléaire. Cet accord, s'il ne fait pas l'unanimité, a éloigné le scénario d'une attaque américano-israélienne contre l'Iran et hypothéqué la capacité de l'Iran à produire une arme nucléaire à court terme. Pour l'exemple de résolution diplomatique que l'accord représente, le comité norvégien pourrait récompenser les principaux négociateurs, soit le ministre des Affaires étrangères iranien Mohamad Javad Zarif, le secrétaire d'État américain John Kerry, la négociatrice en chef des États-Unis Wendy Sherman et la négociatrice européenne Federica Mogherini.



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John Kerry (à gauche) et Mohammad Javad Zarif.

Angela Merkel

Pour le rôle qu'elle joue dans la crise européenne des migrants - elle a annoncé que son pays accueillerait 800 000 réfugiés -, la chancelière allemande Angela Merkel est parmi les récipiendaires potentiels. Son couronnement ne ferait pas que des heureux. D'abord parce que les leaders des pays limitrophes de la Syrie mériteraient aussi que leurs efforts soient reconnus. La Turquie a, à elle seule, accueilli 2 millions de réfugiés depuis 2011. Les Grecs, qui font face aux mesures d'austérité prônées par Mme Merkel, rouspéteraient sans doute. Mme Merkel a cependant un autre as dans son jeu. De tous les leaders occidentaux, elle est celle qui s'est le plus souvent entretenue avec le président russe Vladimir Poutine, pour tenter de garder les voies de la diplomatie ouvertes.



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La chancelière allemande Angela Merkel.

Raif Badawi

Puisque l'année a débuté avec l'attentat contre les artisans du Charlie Hebdo, certains croient que la liberté de presse et d'expression pourrait être privilégiée par le comité cette année. Et en ce sens, le blogueur Raif Badawi, qui est emprisonné en Arabie saoudite depuis 2012, pourrait être un choix symbolique. Blogueur, M. Badawi, qui a créé le site «Libérez les libéraux saoudiens», a été condamné à 10 ans de prison, 300 000 $ d'amende et 1000 coups de fouet pour «avoir insulté l'islam». Il a récemment reçu un prix prestigieux de l'organisation PEN, qui défend les écrivains partout dans le monde et fait la promotion de la liberté d'expression. Vivant au Québec, Ensaf Haidar, femme de Raif Badawi, lutte avec acharnement pour faire libérer son mari.



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Raif Badawi

Dmitri Mouratov

À la tête de la Novaya Gazeta, un des seuls journaux indépendants en Russie, Dmitri Mouratov est aussi pressenti pour le prix Nobel de la paix, si ce dernier est destiné à mettre en lumière l'importance de la liberté de presse. Créé en partie avec l'argent reçu par Mikhaïl Gorbatchev quand il a lui-même reçu le prix Nobel de la paix, le journal appartient à 51% à ses journalistes qui, du coup, en contrôlent les destinées. Ces derniers n'ont pas eu la vie facile au cours des ans. Six des artisans de la Novaya Gazeta, dont Anna Politkovskaïa, ont été tués à la suite de leurs enquêtes critiques du Kremlin ou des proches de Vladimir Poutine.

Human Rights Watch (Syrie)

Si Amnistie a récolté le prix Nobel de la paix en 1974, l'organisation Human Rights Watch n'a jamais reçu cet honneur. Or, depuis 1973, l'organisation, fondée sous le nom de Helsinki Watch, documente les violations des droits de la personne et les crimes contre l'humanité dans le monde. L'organisation a joué un rôle central dans la campagne contre les mines antipersonnel, campagne qui a reçu le Nobel de la paix en 1997. Cependant, l'an passé, les liens de l'organisation avec le gouvernement américain ont été vertement critiqués par deux anciens lauréats du prix, Adolfo Pérez Esquivel, militant argentin des droits de la personne, et Mairead Maguire, pacifiste d'Irlande du Nord.



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Dmitri Mouratov

Juan Manuel Santos et Timochenko

Pour s'être entendu sur un processus de transition qui met fin à la plus longue guerre civile d'Amérique latine, le président Juan Manuel Santos et le chef des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), Rodrigo Londono, mieux connu sous son nom de guerre, Timochenko, pourraient mériter le prix, comme jadis Yasser Arafat, Yitzhak Rabin et Shimon Peres ont été récompensés pour leur rôle dans les négociations de paix dans le conflit israélo-palestinien. Plus de 200 000 personnes ont péri et 6 millions d'autres ont été déplacées au cours des quatre décennies du conflit colombien qui oppose les forces armées du gouvernement au groupe de rebelles marxistes.



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Le président colombien Juan Manuel Santos (à gauche) serre la main du chef des FARC Rodrigo Londono alias Timochenko, sous les auspices de leur hôte cubain Raúl Castro. 

La campagne pour l'article 9

Au cours des dernières semaines, des milliers de membres de la campagne pour l'article 9 ont manifesté dans les rues au Japon. Ce groupe pacifiste, auquel divers écrivains et intellectuels japonais appartiennent, s'est battu toute l'année contre la modification de l'article de la Constitution japonaise qui, depuis la Seconde Guerre mondiale, empêche le pays d'utiliser la force pour régler ses différends internationaux. Ayant perdu leur combat, les partisans de l'article 9 essaient maintenant de faire annuler la nouvelle loi adoptée par le Parlement. Leur lutte coïncide avec le 70e anniversaire des bombes atomiques qui ont ravagé Hiroshima et Nagasaki en 1945.

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