Le président François Hollande a commémoré dimanche la traite négrière et l'abolition de l'esclavage, en inaugurant en Guadeloupe, aux côtés d'une trentaine de dirigeants africains et caribéens, le plus grand mémorial au monde dédié à l'esclavage.

Au son des tambours et des conques, avec lesquels communiquaient les esclaves, le président français a visité le Mémorial ACTe, cube de granit noir dominant l'entrée de la baie de Pointe-à-Pitre, entouré de passerelles et de jardins tournés vers le large.

«Les oeuvres exposées, les faits restitués, les personnages rappelés et surtout le souvenir des femmes, hommes, enfants victimes de la traite nous font obligation de ne rien oublier et de lutter encore aujourd'hui pour la dignité humaine», a écrit François Hollande dans le livre d'or, faisant part de son «émotion».

«Il arrive par moment que le monde soit un seul lieu, aujourd'hui c'est ici», a inscrit Christiane Taubira, la ministre de la Justice, née en Guyane.

Après la découverte de ce nouveau «phare culturel» de la Guadeloupe, le président devait s'exprimer devant les chefs d'État du Sénégal, du Mali, du Bénin, d'Haïti et des représentants de toute la Caraïbe, qu'il a accueillis chaleureusement un à un.

«Ce monument, sur ces côtes qui ont accueilli tant de navires de la traite négrière, nous impose un devoir de mémoire», a estimé Michaëlle Jean, secrétaire générale de la Francophonie.

Pour l'ancien footballeur Lilian Thuram, originaire de la Guadeloupe, «c'est un jour très fort: 167 ans après l'abolition de l'esclavage, il y a enfin un lieu en France où discuter du discours qu'a produit l'esclavage niant l'humanité de gens en fonction de leur couleur de peau».

«Travail de mémoire»

Les comédiens sénégalais Aliou Sissé et français d'origine guadeloupéenne Jacques Martial ont lu des textes des poètes et penseurs martiniquais Edouard Glissant et Aimé Césaire ainsi que de Louis Delgrès.

Ce héros de la résistance à la réintroduction de l'esclavage en Guadeloupe en 1802, est resté célèbre pour s'être fait sauter à l'explosif avec ses camarades de lutte plutôt que de se rendre aux troupes napoléoniennes.

Si ce Mémorial enthousiasme plutôt dans sa dimension culturelle, des voix se sont élevées pour dénoncer son coût (83 millions d'euros) et son opportunité, loin des préoccupations quotidiennes dans un département frappé d'un taux de chômage de plus de 25%.

Le syndicaliste guadeloupéen Elie Domota, qui boycotte la cérémonie, a ainsi reproché à François Hollande de refuser des réparations aux descendants d'esclaves et de n'avoir pas amélioré une situation sociale «très grave» sur l'île. «Le climat dans lequel se passe cette inauguration pour nous est nauséabond», a-t-il asséné.

Le Conseil représentatif des associations noires (CRAN) a salué de son côté un mémorial «à la hauteur des enjeux», et une évolution «qui doit permettre à notre pays d'assumer son passé et de s'engager dans des réparations uniquement collectives».

Ce groupe milite pour des réparations «multiformes», comme des «lieux de culture, des musées», citant les exemples récents de banques américaines comme JP Morgan Chase et Bank of America qui ont mis en place des programmes de réparations, notamment des bourses d'études pour les jeunes des ghettos de Chicago.

À Nantes (ouest), premier port négrier français, une cérémonie était organisée en présence d'Angela Davis, figure du mouvement noir américain et de la lutte pour les droits civiques dans les années 70.

Une sculpture de dix mètres de haut baptisée «Mémoires» a également été inaugurée sur le port de Brest, en présence de Max Relouzat, petit-fils d'esclave et président de l'association «Mémoire des esclavages».