En dehors des périodes référendaires et des psychodrames constitutionnels, la visite d'un premier ministre québécois en France, «c'est un peu devenu une routine», comme le dit un diplomate.

Il ne faut pas donc s'étonner que celle de Philippe Couillard n'ait pas donné cette semaine de résultats spectaculaires, malgré les efforts de son entourage pour la présenter comme un événement «exceptionnel», en raison de sa durée et de la taille de la délégation qui accompagnait le chef du gouvernement.

Le premier ministre, dont c'était le premier voyage officiel en France, a eu droit à un accueil chaleureux de ses hôtes, mais sans débordement. L'affaire des frais de scolarité des étudiants français aurait pu empoisonner son séjour, mais dès le premier jour, le président François Hollande a clos le dossier en disant que l'entente conclue était un «bon accord et un bon compromis».

Dans les faits, M. Couillard a eu droit au traitement standard, lui qui a vu tous les personnages importants de l'État français: le président, le premier ministre Manuel Valls évidemment (puisque l'objet de sa visite était les fameuses «rencontres alternées» des premiers ministres), les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, le ministre de l'Économie ainsi que l'incontournable Alain Juppé, grand ami du Québec.

Le premier ministre Couillard a terminé sa visite vendredi après-midi en passant voir Nicolas Sarkozy dans les bureaux que la République met à sa disposition au coût de 20 000 $ par mois, dit-on. La rencontre s'est déroulée en privé, mais on croit savoir que l'ex-président, comme il l'a fait maintes fois lorsqu'il était à l'Élysée, a réaffirmé son attachement au Québec, sans renier son attachement au Canada, sur le mode «les Québécois sont mes frères, les Canadiens sont mes amis».

Plus tôt dans la journée, la «rencontre alternée» à Matignon n'avait pas donné non plus de résultats inattendus. Aucune surprise dans le traditionnel «relevé de décisions» ou dans la déclaration conjointe signée par les deux premiers ministres, qui se sont félicités, suivant la sempiternelle formule, de «la vitalité de la relation directe et privilégiée que les deux gouvernements entretiennent depuis un demi-siècle».

Changements climatiques, développement durable, défi numérique, stratégie maritime, mobilité étudiante, échanges en tout genre: tous les «sujets de notre temps», pour reprendre l'expression de Manuel Valls, y sont abordés.

Pas un mot en revanche dans ces communiqués sur la coopération en matière de sécurité et de lutte au djihadisme après les événements dramatiques d'Ottawa, de Saint-Jean-sur-Richelieu ou de Charlie Hebdo. MM. Valls et Couillard ont toutefois assuré lors de leur conférence de presse conjointe que la France et le Québec étaient désormais engagés en cette matière dans une «nouvelle coopération».

«Nos gouvernements, nos services doivent collaborer de façon constante, a déclaré M. Couillard. C'est la responsabilité primordiale des États d'assurer la sécurité de leurs citoyens. Nous sommes contents d'être engagés avec la France dans une nouvelle collaboration encore plus forte.»

«Nous sommes face à un défi majeur pour nos sociétés. Le Québec et la France l'appréhendent ensemble, avec détermination», a poursuivi M. Valls, en évoquant un «savoir-faire québécois» qui pourrait être «particulièrement utile».

Comme prévu, la France et le Québec ont aussi jeté les bases d'une nouvelle coopération autour de leurs stratégies maritimes en annonçant leur intention de créer un réseau de recherche binational sur les océans.

Cet «Institut France-Québec pour la recherche et l'innovation maritime» sera logé à l'Université du Québec à Rimouski. Son rôle, indique-t-on, sera de mobiliser les chercheurs français et québécois autour de tous les enjeux maritimes, qu'il s'agisse de gestion des ressources, d'environnement, d'innovation ou des questions économiques ou sociales liées aux océans (comme l'érosion du littoral).

Les retombées économiques directes de la mission Couillard se révèlent modestes, mais on ne se souvient pas qu'il en ait jamais été autrement dans ce genre de visites depuis 20 ans, ou même avant.

Le total des investissements annoncés cette semaine serait de 32 millions $, avec environ 200 emplois à la clé. Philippe Couillard promet que d'autres annonces suivront dans les «prochaines semaines».

«La mission sert également à préparer les prochaines annonces. Des dossiers ont progressé cette semaine. Il y aura d'autres annonces», a-t-il assuré.