Reporters sans frontières (RSF) sonne l'alarme relativement à la liberté de la presse, qui a régressé globalement de façon marquée en 2014.

«Si on compare avec 2013, on se rend compte qu'il y a eu une détérioration brutale de la situation», relève en entrevue Antoine Héry, qui chapeaute à Paris la production du classement mondial de la liberté de la presse dévoilé hier par l'organisation.

Plus des deux tiers des 180 pays analysés dans la nouvelle édition du classement affichent une cote inférieure à celle enregistrée dans l'édition précédente.

RSF attribue à chaque pays une cote sur 100 qui est fonction de divers facteurs, dont le degré de pluralisme des médias, le cadre légal, la transparence ainsi que les exactions subies par des journalistes.

Les pays affichant le pire bilan se voient attribuer une cote élevée, les meilleurs disposent d'une cote plus basse. Un résultat de 0 à 15 points témoigne d'une bonne situation en matière de liberté de la presse, alors qu'à l'inverse, un score variant de 55 à 100 suggère une situation «très grave».

La zone couverte par l'Union européenne et les Balkans obtient la cote moyenne la plus basse, soit 18,6. Bien qu'il fasse généralement bonne figure, le continent a vu sa situation se détériorer, puisque ce résultat représente une hausse de 5,6% par rapport à l'année précédente.

«Il y a un certain nombre de mauvais élèves qui tirent l'Europe vers le bas», souligne M. Héry, qui cite à titre indicatif les cas de la Hongrie, de la Bulgarie ou encore de la Grèce.

Les Amériques, avec un score moyen de 30,8, arrivent en seconde position et sont suivies de l'Afrique (35,9), l'Asie-Pacifique (42,6), l'Europe de l'Est et l'Asie centrale (46,1). La région regroupant l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient ferme la marche avec un score de 49,2.

La guerre

L'éclatement de conflits armés est lourd de conséquences pour les représentants des médias. «Les journalistes sont victimes de la polarisation. Ils sont pris entre deux feux et soumis à de fortes pressions dans un sens comme dans l'autre», note Antoine Héry, de Reporters sans frontières. L'organisation relève que le conflit dans l'est de l'Ukraine représente une parfaite illustration du phénomène. «Saccages de bureaux, menaces et intimidation» se multiplient depuis le début des affrontements, qui ont fait au moins six victimes parmi les professionnels de l'information.

La terreur

Certaines organisations extrémistes ne tolèrent aucune liberté concernant la presse et n'hésitent pas à éliminer tout journaliste qui refuse de relayer le message qui leur convient. C'est le cas notamment, selon Reporters sans frontières, du groupe État islamique, qui a exécuté publiquement en octobre à Samarra, en Irak, un caméraman présenté comme un «ennemi». Dans une province syrienne, le groupe islamiste a imposé aux journalistes une dizaine de règles qui prévoient notamment de prêter allégeance à leur chef, Abou Bakr al-Baghdadi. Par ailleurs, l'EI n'hésite pas à prendre en otage des journalistes étrangers pour obtenir des rançons. Les miliciens de Boko Haram ont créé un «trou noir» de l'information de pareille nature dans le nord-est du Nigeria, qui est pratiquement inaccessible pour les journalistes.

Le blasphème

Selon Reporters sans frontières, la notion de «blasphème» et d'atteinte au sacré est de plus en plus utilisée pour faire taire les voix critiques. Certains dirigeants étendent les interdits à leur propre personne ou à leur fonction en prévoyant de très lourdes sanctions pour les contrevenants. La pratique est illustrée par le cas de Raif Badawi, qui a été condamné à 1000 coups de fouet en Arabie saoudite pour avoir tenu des propos «offensant la religion» et les «figures religieuses officielles» du pays. En Iran, 8 personnes ont été condamnées en mai 2014 à plus de 120 ans d'emprisonnement pour «insulte envers le sacré» et «insulte envers le Guide suprême de la révolution». Parallèlement, un blogueur mauritanien qui critiquait le régime en évoquant la période où vivait Mahomet a été condamné à mort en décembre.

La sécurité nationale

Antoine Héry note que la protection de la sécurité nationale est régulièrement évoquée de manière fallacieuse pour contrôler le travail des journalistes et faire taire les voix dissidentes. «On tente d'assimiler le journalisme au terrorisme», souligne-t-il. La Russie a notamment adopté cette année une loi sur les télécommunications qui oblige les blogueurs les plus populaires à s'enregistrer officiellement et leur impose de sévères restrictions en matière de contenu. «L'instrumentalisation du prétexte de la sécurité nationale» survient aussi dans les pays démocratiques, note RSF, qui évoque le cas du journaliste américain James Risen du New York Times, risquant la prison parce qu'il refusait de dévoiler ses sources dans une affaire délicate touchant les services de renseignement américains.

CLASSEMENT EN MATIÈRE DE LIBERTÉ DE LA PRESSE

Les meilleurs et les pires

1- Finlande

2- Norvège

3- Danemark

8- Canada

49- États-Unis

178- Turkménistan

179- Corée du Nord 

180- Érythrée