Des milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs pays musulmans après la prière du vendredi contre la publication par Charlie Hebdo d'un dessin représentant le prophète Mahomet, des protestations émaillées de violences au Niger et au Pakistan.

Quatre personnes sont mortes et 45 ont été blessées vendredi au Niger, à Zinder, la deuxième ville du pays, dans les manifestations contre la caricature de Mahomet publiée par les collègues des victimes d'un attentat djihadiste le 7 janvier à Paris contre l'hebdomadaire satirique.

Le Centre culturel français a été aussi incendié et trois églises saccagées. Certains manifestants «arboraient l'étendard de Boko Haram», a déclaré vendredi le ministre nigérien de l'Intérieur, Hassoumi Massaoudou. Interrogés par l'AFP, deux journalistes présents à Zinder n'ont pas confirmé avoir vu le drapeau de Boko Haram, groupe djihadiste qui sème la terreur dans le nord du Nigeria voisin.

À Karachi au Pakistan, des prostestataires se sont confrontés à la police lorsqu'ils ont tenté de s'approcher du consulat de France et un photographe pakistanais de l'Agence France-Presse (AFP) a été grièvement blessé.

Les États-Unis ont condamné vendredi les violences qui ont émaillé ces manifestations, réaffirmant le droit «universel» de la presse à publier librement tous types d'informations, y compris des caricatures.

À Nouakchott et Dakar, un drapeau français a été brûlé. S'adressant à la foule de plusieurs milliers de personnes, le chef de l'État mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a condamné à la fois le «terrorisme» et les «viles caricatures».

À Dakar, un millier de personnes ont scandé des slogans à la gloire du prophète Mahomet et contre Charlie Hebdo.

Photo AFP

Le centre culturel français à Zinder

Au Mali, plusieurs milliers de personnes ont dénoncé un «affront à l'islam» alors que le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, alias IBK, a manifesté dimanche à Paris aux côtés de François Hollande lors de la «marche républicaine» de plus d'un million de personnes sous le slogan «Je suis Charlie».

«IBK est Charlie, je ne suis pas Charlie», «L'islam victime du terrorisme international», «Le prophète ne doit pas être caricaturé», étaient les slogans scandés dans la foule.

«La France nous a aidés, c'est vrai. Mais elle n'a pas le droit de mépriser ma religion», a déclaré Almahoud Touré, 36 ans, faisant allusion à l'engagement militaire de la France au Mali depuis janvier 2013 pour chasser des groupes djihadistes liés à Al-Qaïda.

Photo Reuters

Manifestation à Bamako, au Mali

«Je suis Kouachi»

À Alger, 2000 à 3000 manifestants se sont rassemblés, selon un journaliste de l'AFP. Détournant le slogan «Je suis Charlie», certains scandaient «Nous sommes tous des Mahomet» ou encore «Je suis Kouachi», du nom des frères Kouachi, les djihadistes ayant attaqué le journal satirique français.

Des affrontements ont éclaté quand des manifestants ont tenté de forcer un cordon de policiers armés de matraques qui protégeaient le siège de l'Assemblée nationale. Plusieurs interpellations ont eu lieu.

Les frères Kouachi, abattus par la police française deux jours après avoir tué douze personnes au siège de Charlie Hebdo, ont également été honorés à Istanbul. Une centaine de personnes se sont réunies devant la mosquée du district de Fatih, devant une banderole arborant leur portrait et celui du chef d'Al-Qaïda Oussama Ben Laden.

À Amman, 2500 manifestants ont défilé brandissant des banderoles sur lesquelles on pouvait notamment lire «l'atteinte au grand Prophète relève du terrorisme mondial».

À la «une» du numéro sorti après la tuerie qui a décimé sa rédaction, Charlie Hebdo a publié mercredi un dessin de Mahomet la larme à l'oeil et tenant une pancarte «Je suis Charlie».

Le roi Abdallah II de Jordanie, qui avait participé dimanche à la marche de Paris, a qualifié jeudi Charlie Hebdo d'«irresponsable et d'inconscient».

Le site sensible de l'esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est, partie palestinienne de la Ville sainte annexée par Israël, a été le lieu d'une manifestation de quelques centaines de Palestiniens.

«Pas une excuse pour tuer»

À Tunis, des fidèles ont quitté la mosquée el-Fath pour signifier leur désaccord avec un imam, ancien ministre des Affaires religieuses. «Nous sommes contre toute atteinte à notre Prophète mais cela n'est pas une excuse pour tuer les gens,» prêchait-il, à quoi ils ont rétorqué que les journalistes de Charlie Hebdo «méritaient d'être tués».

À Khartoum, plusieurs centaines de fidèles ont brièvement manifesté après la prière, réclamant des excuses du gouvernement français.

L'Union mondiale des oulémas, dont le siège est au Qatar et qui est dirigée par le prédicateur Youssef al-Qaradaoui, considéré comme l'éminence grise des Frères musulmans, a appelé à des «manifestations pacifiques» et critiqué le «silence honteux» de la communauté internationale sur cette «insulte aux religions».

Les autorités de ce pays, qui avaient fermement dénoncé l'attentat contre Charlie Hebdo, ont «condamné la nouvelle publication de dessins offensants», soulignant que cela alimentait «la haine et la colère».

En Iran, une manifestation de protestation prévue samedi par des étudiants islamistes a été annulée sans raison officielle.

Selon l'agence de presse Fars, les organisateurs ont toutefois annoncé que le rassemblement aurait lieu lundi devant l'ambassade de France à Téhéran, sous réserve d'obtenir l'aval des autorités.

En Syrie, des milliers de personnes sont descendues dans la rue dans les zones contrôlées par les rebelles et les djihadistes en demandant à ce que s'arrête «l'offense au sentiment religieux», selon une ONG syrienne.

PHOTO AAMIR QURESHI, AFP

Manifestation à Islamabad, au Pakistan