La Fête du Travail, célébrée jeudi dans le monde entier, a tourné à l'affrontement à Istanbul, où des heurts ont opposé manifestants et forces de l'ordre, tandis que Moscou renouait avec la tradition soviétique des défilés sur la Place Rouge.

Fériée dans de nombreux pays, la «journée internationale des travailleurs» commémore chaque 1er mai les luttes ouvrières apparues à la fin du 19e siècle aux États-Unis.

À Istanbul, la police, massivement déployée, a empêché à coups de canon à eau et gaz lacrymogènes des centaines de manifestants de se rassembler sur la Place Taksim, place emblématique de la contestation contre le gouvernement turc, déclarée zone interdite par les autorités.

Les échauffourées se sont poursuivies pendant une partie de la journée, faisant 90 blessés, selon le gouverneur d'Istanbul qui a annoncé 142 interpellations.

Des incidents ont également éclaté à Ankara, où des centaines de manifestants ont été dispersés sans ménagement.

1er mai patriotique à Moscou

À Moscou, pour la première fois depuis 1991, plus de 100 000 personnes ont défilé sur la Place Rouge, renouant avec une tradition datant de l'Union soviétique en pleine vague de patriotisme en Russie exacerbée par la crise ukrainienne.

«Je suis fier de mon pays», «Poutine a raison» indiquaient les pancartes brandies au milieu de nombreux drapeaux russes, tandis qu'était célébré, dans des discours, le rattachement en mars de la Crimée à la Russie, après un référendum dénoncé comme illégal par Kiev et la communauté internationale.

Selon le dirigeant de la Fédération des syndicats de Russie, Mikhaïl Chmakov, plus de deux millions de personnes ont participé aux défilés organisés à travers tout le pays.

A contrario, à Kiev, la mobilisation a été faible, seules 2000 à 3000 personnes s'étant réunies pour scander des slogans en faveur de l'unité de l'Ukraine.

Européens contre l'austérité

En Europe, où la reprise économique reste timide quatre ans après la crise de la dette, les manifestations ont souvent pris un tour politique à moins d'un mois des élections européennes, avec «l'austérité» pour cible principale.

En Espagne, pays miné par un chômage record, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans quelque 70 villes du pays contre la précarisation de l'emploi. Et pour la première fois, les dirigeants des deux grands syndicats espagnols CCOO et UGT ont défilé, ensemble, à Bilbao (nord).

En France, en revanche, les syndicats ont marché en ordre dispersé consacrant ainsi leur désunion face au plan d'économie de 50 milliards d'euros récemment annoncé par le gouvernement socialiste pour répondre aux exigences européennes de redressement budgétaire. Les défilés ont rassemblé près de 100 000 personnes selon les autorités, plus du double selon les organisateurs.

Au Portugal, des milliers de personnes ont manifesté à Lisbonne et dans les principales villes du pays contre la politique d'austérité mise en oeuvre dans le cadre du plan d'aide international, qui expire dans deux semaines.

En Grèce, quelque 20 000 personnes ont manifesté à Athènes et Salonique (nord) contre l'austérité et pour une Europe sociale. Manifestations également au Portugal, en Italie, mais aussi en Suisse où les revendications portaient sur le salaire minimum.

Au Maroc, plusieurs dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues, notamment à Rabat et Casablanca, maintenant la pression sur le chef du gouvernement, l'islamiste Abdelilah Benkirane, malgré l'annonce la veille d'une hausse du salaire minimum.

En Afrique du Sud, le président Jacob Zuma a appelé les ouvriers à voter pour l'ANC au pouvoir lors des législatives du 7 mai prochain à l'occasion d'une réunion organisée par la centrale syndicale COSATU à Polokwane (nord). «Les ouvriers de ce pays doivent savoir que leur avenir se trouve dans l'ANC», a lancé M. Zuma, qui brigue un second mandat, à une foule plutôt morne d'environ 15 000 personnes.

Les défilés du 1er mai avaient débuté, en raison du décalage horaire, en Asie. Au Cambodge, des échauffourées ont opposé la police à des manifestants rassemblés aux abords du Parc de la Liberté à Phnom Penh. Des milliers de personnes ont également défilé en Malaisie ou encore à Taïwan.

Au Qatar, pays où la Fête du Travail n'est pas célébrée, le gouvernement s'est déclaré jeudi «engagé moralement» dans la protection des droits des travailleurs en réponse aux critiques sur les conditions des immigrés employés à la préparation de la Coupe du monde de football de 2022.

En Amérique latine, plus d'un million de personnes ont manifesté à Sao Paulo, la capitale économique du Brésil, à l'occasion du 1er mai, mais aussi pour critiquer la politique de la présidente de Dilma Rousseff.

Des milliers de Vénézuéliens se sont mobilisés pour marquer leur soutien ou leur opposition au président Nicolas Maduro, contesté par une partie de la population dans un contexte de forte crise économique.

Au Guatemala, quelque 10 000 ouvriers ont défilé pour réclamer des hausses de salaire.