Barack Obama et Hassan Rohani ont affiché mardi leur volonté de donner une chance à la diplomatie sur le dossier nucléaire, mais la rencontre attendue entre les présidents américain et iranien n'a pas eu lieu, preuve de la méfiance tenace qui demeure.

A la tribune de l'assemblée générale des Nations unies, à New York, le président des États-Unis a appelé de ses voeux une relation constructive avec son homologue iranien, récemment investi, qui a reçu un «mandat pour suivre un chemin plus modéré» que son prédécesseur ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad.

«Les blocages pourraient s'avérer trop difficiles à surmonter (...) Mais je suis convaincu qu'il faut essayer la voie diplomatique», a lancé M. Obama. Réclamant des «actes transparents et vérifiables», il a laissé entrevoir «une relation différente, fondée sur les intérêts et le respect mutuels» entre les États-Unis et l'Iran, qui n'ont plus de liens diplomatiques depuis un tiers de siècle.

Quelques heures plus tard, à la même tribune, M. Rohani, qui faisait sa première grande sortie internationale depuis son élection le 14 juin, a lui aussi évoqué une possible évolution des relations entre les deux pays.

«Si (les États-Unis) évitent de suivre les intérêts à court terme des groupes de pression pro-guerre, nous pouvons trouver un cadre dans lequel gérer nos différences», a-t-il déclaré.

Martelant que son pays n'était «pas une menace», ni pour le monde ni pour la région, la président iranien a réaffirmé que la république islamique entendait utiliser l'énergie nucléaire «à des fins exclusivement pacifiques», et une nouvelle fois dénoncé les sanctions dont son pays fait l'objet.

Le Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou a qualifié de «cynique» et «d'hypocrite»  le discours de M. Rohani devant l'Assemblée générale de l'ONU.

«Comme prévu, cela a été un discours cynique et totalement hypocrite. Rohani a parlé de droits de l'Homme alors même que les forces iraniennes participent au massacre à grande échelle de civils innocents en Syrie», a indiqué un communiqué du bureau de M. Netanyahu publié dans la nuit de mardi à mercredi à Jérusalem.

«Il a parlé d'un programme nucléaire à des fins civiles alors que, selon le rapport de l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique, ce programme a une caractère militaire», a ajouté le communiqué.

En revanche, le ministre allemand des Affaires étrangères Guido Westerwelle s'est félicité du «nouveau ton» de Téhéran,  déclarant que «les paroles du nouveau président étaient encourageantes». «Cependant, a-t-il ajouté, il est essentiel que de nouvelles offres concrètes soient faites» par Téhéran sur la question du nucléaire. Le chef de la diplomatie allemande  devait rencontrer ultérieurement M. Rohani.

Les États-Unis et leurs alliés soupçonnent le programme nucléaire iranien d'avoir des visées militaires, ce que Téhéran dément.

Les récentes déclarations des responsables des deux pays avaient laissé entrevoir une rencontre entre MM. Obama et Rohani et les couloirs de l'assemblée générale de l'ONU, grand-messe annuelle de la diplomatie internationale, bruissaient mardi des rumeurs d'une possible poignée de main historique.

Espoirs déçus. Selon les mots d'un responsable de la Maison Blanche s'exprimant sous couvert de l'anonymat, «cela s'est avéré trop compliqué à réaliser à l'heure actuelle pour les Iraniens».

Le président Rohani a quant à lui expliqué qu'il n'y avait pas eu «assez de temps» pour organiser l'entrevue avec M. Obama. «Je crois que nous n'avions pas assez de temps pour coordonner vraiment la rencontre», a-t-il déclaré dans un entretien à la chaîne de télévision CNN.

Rencontre avec Hollande

Le dirigeant iranien s'est en revanche entretenu avec le président français François Hollande, une première à ce niveau entre leurs deux pays depuis 2005.

M. Hollande a également réclamé à l'ONU des «gestes concrets» de la part de l'Iran et demandé un dialogue «direct et franc», avant de rencontrer M. Rohani en tête-à-tête.

Cette réunion a duré une quarantaine de minutes. Le dirigeant français a pris congé de son hôte en évoquant «un premier contact qui en appelle d'autres», tandis que M. Rohani a souhaité «un meilleur avenir» pour la relation entre les deux pays.

«Nous avons une occasion historique pour régler la question nucléaire», mais les interlocuteurs de l'Iran «doivent ajuster leur attitude pour mieux correspondre à la nouvelle approche iranienne», a écrit de son côté mardi le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, sur son compte Twitter.

Une réunion est prévue jeudi à New York sur ce dossier entre le nouveau ministre des Affaires étrangères iranien et ses homologues des grandes puissances.

Au moment où parlait M. Obama, entre 1000 et 1500 personnes, notamment des membres des Moudjahidine du peuple (opposition en exil), se sont rassemblées devant le siège de l'ONU pour protester contre d'éventuelles négociations américano-iraniennes. «Rohani, modéré meurtrier», pouvait-on lire sur des pancartes.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, en ouvrant la 68e assemblée générale de l'organisation, a appelé «tous les pays» à cesser d'alimenter «l'effusion de sang» en Syrie et à mettre fin à la livraison d'armes à toutes les parties. Il a aussi lancé un appel à l'aide pour faire face à la situation chaotique en Centrafrique, affirmant que les contributions avaient jusqu'ici été «désespérément insuffisantes».

M. Hollande a également lancé un «cri d'alarme» au sujet de la situation dans ce pays, demandant que le Conseil de sécurité des Nations unies donne un mandat et «accorde un soutien logistique et financier» à la force panafricaine sur place pour «rétablir l'ordre».

Dans un discours essentiellement consacré au Moyen-Orient, M. Obama est aussi revenu sur le dossier syrien, en réclamant une résolution «ferme» du Conseil de sécurité de l'ONU sur l'élimination des armes chimiques dans ce pays, avec des «conséquences» pour le régime de Bachar al-Assad s'il ne tenait pas parole.

Juste avant l'intervention de M. Obama, son homologue brésilienne Dilma Rousseff a consacré une grande partie de son intervention à dénoncer, avec virulence, le programme américain de surveillance des communications, martelant qu'il était «intenable» et violait le droit international.

PHOTO AFP

Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon.