Le problème, avec la laïcité, c'est que le terme prête à confusion. Et que certains de ses plus ardents défenseurs ne savent pas vraiment de quoi ils parlent. C'est ce que font valoir deux spécialistes de la question. Nicolas Cadène, rapporteur général de l'Observatoire français de la laïcité. Et Sophie Latraverse, juriste québécoise qui dirige le département Expertise et affaires juridiques au bureau du Défenseur des droits, à Paris.

Voici donc les quatre règles de base de la laïcité made in France, dressées après de longues entrevues avec ces deux experts.

1. La laïcité protège les religions, elle ne leur fait pas la guerre

«La laïcité est une garantie donnée à chacun d'exprimer ses croyances, sa philosophie, sa religion», souligne Nicolas Cadène. Et pour protéger les croyances de chacun, l'État doit être neutre.

«En France, la neutralité religieuse concerne les fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, et les élèves des écoles publiques primaires et secondaires, c'est tout», dit Sophie Latraverse.

On l'oublie souvent, mais les écoles privées échappent à cette obligation, même si elles sont largement subventionnées par l'État, souligne-t-elle.

2. La laïcité vise la fonction publique, pas l'espace public

Cette nuance prête souvent à confusion, rappelle Sophie Latraverse. En d'autres mots: un médecin, même payé par l'État, peut bien s'habiller comme il veut dans l'espace de son cabinet. Idem pour la propriétaire d'une garderie familiale.

La loi interdisant la burqa dans les rues françaises nage en eau trouble, fait valoir Nicolas Cadène. Si on la justifie par des raisons de sécurité, ça peut encore aller. Mais s'il s'agit de bannir un symbole religieux, ça pose problème. La Cour européenne des droits de l'homme a d'ailleurs été saisie de la question. Et la France pourrait se faire bientôt taper sur les doigts.

3. La laïcité doit être la même pour tous

La laïcité exige un traitement égal pour toutes les religions. La présence d'un crucifix dans un lieu tel que l'Assemblée nationale est incompatible avec l'obligation de neutralité de l'État, tranchent les deux experts.

4. La laïcité n'est pas une potion magique

Si on veut apaiser les tensions sociales et éviter la stigmatisation, il faut aussi des politiques sociales qui favorisent l'intégration, insiste Nicolas Cadène. La laïcité à elle seule ne suffira pas.