C'est un bras de fer historique. En Israël, le gouvernement et les haredim (littéralement les «craignants-Dieu» en hébreu) sont sur le pied de guerre depuis le vote instituant le service militaire obligatoire pour les hommes religieux.

Si la Knesset, Parlement israélien, a définitivement entériné le projet de loi le 17 juillet, les «hommes en noir» ne comptent pas en rester là. Les étudiants des yeshivot (les «écoles talmudiques») manifestent dans les rues de Jérusalem et les représentants des partis religieux ont d'ores et déjà publiquement condamné la décision gouvernementale. Pour Meir Poroush, chef du parti «Judaïsme unifié de la Torah», c'est même «une journée noire pour le judaïsme».

Depuis la création moderne d'Israël en 1948, les haredim ont toujours refusé de défendre un État qu'ils jugent impie et corrompu. Ils bénéficient donc d'un statut particulier permettant chaque année à plus de 10 000 d'entre eux d'être exemptés de service militaire.

Les tensions régionales croissantes et la possibilité d'un conflit rendent ces dérogations de plus en plus difficiles à accepter pour la population laïque. «Ils estiment remplir leur devoir en priant et en étudiant assidûment la Torah, mais que se passera-t-il si nous sommes de nouveau en guerre ? Il faut arrêter de se leurrer: on ne peut plus se passer d'une telle force vive. Le pays a besoin d'eux !», s'exclame Alon, un ancien commandant qui témoigne anonymement.

«Voir partir nos enfants pour l'armée, c'est crève-coeur pour toutes les mères israéliennes. Mais on accepte notre sort, par devoir. Pourquoi serions-nous toujours les seules à consentir à cet immense effort?», demande Dorit, sa mère.

Malgré les critiques virulentes de la classe politique et du reste de la population, les ultra-orthodoxes restent farouchement déterminés. Quitte à attaquer un membre de leur propre communauté. Le 9 juillet dernier, un jeune soldat haredi a été violemment pris à partie à Mea Shearim, quartier ultra-orthodoxe de Jérusalem.

«Ce fait divers prouve bien à quel point ces gens sont extrémistes!», tempête Eyal, soldat depuis plus d'un an, qui tient également à conserver l'anonymat. «Ils donnent une bien mauvaise image d'eux-mêmes. C'est triste», ajoute-t-il en soupirant.

Un avis largement partagé par Shalom Freund, écrivain et journaliste ultra-orthodoxe. Dans une tribune publiée le 15 juillet dans le quotidien Yedioth Aharonot, il écrit: «Il est terrifiant de penser que le judaïsme haredi tel que je le connais, censé représenter un judaïsme authentique et nonviolent, est en train de devenir tout à fait différent. Nous n'avons rien à voir avec ceux qui se prétendent être des haredim et nous font passer pour des voyous. Nous sommes contre la violence. Ce n'est pas le visage de l'authentique et pur judaïsme qui se transmet de génération en génération», conclut-il.

Tenter de redorer leur image, faire reculer le gouvernement et calmer les membres les plus extrémistes de leur communauté... Les ultra-orthodoxes d'Israël sont sur tous les fronts, mais le combat semble loin d'être gagné d'avance.